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23 avril 2024

Investissements : méfiez-vous de la visualisation des données !

Pour vous, l’investissement c’est du sérieux. Vous ne vous laissez pas embobiner par les belles histoires, mais vous basez vos décisions sur des données objectives. Et pour pouvoir décider rapidement, vous aimez disposer de données présentées sous une forme visuelle simple et intuitive. Votre manière d’interpréter ces données est-elle si objective que cela ? Rien n’est moins sûr !

Dans un contenu intitulé « Investissements : ces histoires vraies qui invitent à la réflexion», myLIFE vous a présenté deux faits-divers pour illustrer l’impact des biais cognitifs sur nos choix en général, nos décisions financières en particulier. Nous avons ainsi montré que notre cerveau se raconte continuellement des histoires afin de donner du sens à notre environnement et aux événements qui nous arrivent. Quitte à se fabriquer parfois de toutes pièces une histoire qui nous convient.

Ayant passé l’âge des contes de fées, vous vous définissez plutôt comme un data geek qui préfère se faire une idée de la situation à l’aide de chiffres présentés sous forme de visualisation rapide à comprendre et à assimiler. Ici encore, la finance comportementale nous invite à la prudence.

Il y a regarder et voir

Le monde de la finance et de l’investissement regorge de ces infographies permettant de disposer en un coup d’œil d’informations clés sur tel ou tel sujet. Si la visualisation des données a aujourd’hui le vent en poupe, c’est parce qu’elle permet de prendre des décisions rapides et rationnelles sur la base de faits et chiffres présentés de manière plutôt objective. C’est du moins la promesse en théorie. Encore faut-il en pratique que notre cerveau joue le jeu et ne nous raconte pas à notre insu une histoire sur la base de ces données visualisées.

C’est précisément ce qu’a cherché à vérifier Rod Duclos. Ce chercheur a réalisé cinq études alliant des manipulations expérimentales à la technologie d’eye-tracking. Les différents participants étaient invités à exprimer leur intention d’investir ou non dans les actions d’une entreprise fictive. Pour se décider, ils disposaient de graphiques représentant l’évolution sur 30 jours du cours de bourse de ses actions.

Dans chaque expérience, les distributions des cours de l’action avaient été construites de sorte à ne suivre aucune tendance réelle à la hausse ou à la baisse dans le temps. Ainsi, les mouvements de prix récents n’étaient pas plus informatifs ou significatifs que les mouvements plus anciens. Pourtant, sur base de l’analyse des regards portés par les participants sur les données présentées, les résultats ont suggéré que ce sont les fluctuations récentes des cours de l’action qui influençaient le plus les investisseurs. Et de loin ! Ces derniers se focalisaient presque exclusivement sur le fait que le cours de bourse de l’action se clôturait à la hausse ou à la baisse par rapport au jour précédent.

Les participants avaient ainsi tendance à ignorer totalement les autres informations et ne prenaient en compte que la toute dernière variation du cours pour choisir d’investir ou non sur l’action d’une entreprise qu’il ne connaissait pas. Ils disposaient d’un set d’informations, mais ne considéraient qu’une petite partie de celles-ci pour prendre une décision.

La conclusion de l’expérience s’impose : la visualisation, l’affichage graphique des données semble pouvoir biaiser l’évaluation par les consommateurs des informations financières présentées et, par conséquent, biaiser leurs décisions d’investissement.

Lorsque les marchés ne suivent pas de tendance claire et lorsque la conjoncture économique est hésitante, un simple graphique montrant les dernières tendances d’un cours d’action, pourtant peu significatif, peut influencer des investisseurs, voire les induire en erreur. Avouez que cela fait froid dans le dos.

La volatilité sur les marchés a ainsi des fondements psychologiques que beaucoup ignorent. Face à de grandes quantités de données, les gens semblent simplifier leur prise de décision en se concentrant sur des points de données spécifiques (et pas forcément pertinents) afin de pouvoir se construire à peu de frais cognitifs une histoire satisfaisante à leurs yeux pour justifier leur choix.

Il y a toutefois une bonne nouvelle. Lorsque Rod Duclos a présenté les mêmes données numériquement plutôt que graphiquement, les participants ont été capables d’identifier plus aisément l’absence de tendance généralisée et ont ajusté correctement leur prise de décision d’investissement. C’est généralement sous cette forme que travaille également les experts financiers. Une raison de plus de faire appel à eux et bénéficier de leur accompagnement dans la gestion de vos investissements. Ils sont par ailleurs très bien placés pour savoir que « les performances passées ne préjugent pas des performances futures ».

Morale de l’histoire : il est important de savoir qu’un graphique est une histoire comme les autres que votre cerveau interprète à sa guise. Pour éviter autant que possible toute scénarisation, mieux vaut vous en mettre aux chiffres sans artifice et aux experts qui ont les compétences, l’expérience et le temps de les analyser sereinement.

La visualisation, l’affichage graphique des données semble pouvoir biaiser l’évaluation par les consommateurs des informations financières présentées et, par conséquent, biaiser leurs décisions d’investissement.