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20 décembre 2024

Le bon âge pour hériter

Reçu au bon moment, l’héritage d’un patrimoine peut représenter une grande opportunité. Il peut être une source de liberté financière et permettre à la jeune génération de poursuivre ses rêves au lieu de s’enchaîner à un bureau. Néanmoins, l’histoire mouvementée des familles fortunées montre qu’un héritage reçu prématurément peut parfois constituer autant une charge qu’une aubaine, en retirant toute ambition aux jeunes adultes ou en les poussant à faire de mauvais choix de vie. Quel est donc le moment idéal ?

L’héritage est une question épineuse. En léguant trop au mauvais moment, vous prenez le risque que votre argent durement gagné soit dilapidé par des jeunes n’ayant pas la maturité nécessaire pour savoir le gérer ; mais en donnant trop peu, vous vous exposez à des querelles familiales, et potentiellement à un fardeau fiscal inutile. En vérité, il n’y a pas d’âge idéal pour hériter, et c’est d’ailleurs un paramètre que le donateur n’est pas toujours en mesure de contrôler. Certains aspects valent toutefois la peine d’être pris en considération.

La maturité émotionnelle

L’attitude des enfants face à l’argent se détermine jeune, dès l’âge de cinq ou six ans. Peut-être est-ce encore trop tôt pour voir s’ils seront en mesure de faire un usage responsable d’un héritage, mais l’observation des enfants et de leur lien à l’argent quand ils grandissent peut s’avérer utile pour formuler des décisions de planning successoral. Comment gèrent-ils leurs finances ? Sont-ils dépensiers ou économes ?

La pression de leur entourage jouera également un rôle. Le plus gros risque est qu’un enfant dépense sans compter. Ce trait de caractère risque de l’influencer davantage à d’autres moments de sa vie. Par exemple, en présence d’amis fortunés à l’école ou à l’université, il ou elle pourrait être incité(e) à dépenser de l’argent pour rester au même niveau. La maturité suffisante pour résister à ce type de pression peut s’obtenir aux alentours de 25 ans.

Interrogez-vous sur la manière dont vous auriez vous-même réagi vis-à-vis de l’argent à différentes étapes de votre vie. Pour le meilleur ou pour le pire, les enfants héritent souvent des habitudes financières de leurs parents, d’où l’intérêt d’essayer de vous mettre à leur place pour vous guider vers les bonnes décisions.

Les enfants héritent souvent des habitudes financières de leurs parents.

Les effets de l’héritage

Dans toute carrière, les premières années peuvent être difficiles. Les gens commencent souvent au bas de l’échelle et doivent travailler dur, sans beaucoup d’autonomie et sans grande gratification. Mais ces premières années peuvent aussi être déterminantes dans l’apprentissage et la construction du parcours professionnel. Avec un héritage important, avez-vous la garantie que vos enfants lutteront pour surmonter cette épreuve ?

Les parents devront peser les avantages et les inconvénients de léguer un patrimoine important à des enfants n’ayant pas encore assuré leur carrière. En effet, la présence de cet héritage peut les inciter à renoncer et mettre ainsi en péril leur progression professionnelle. Par exemple en leur donnant envie de voyager ou de partir en « retraite anticipée ». Ils risquent alors de ne jamais connaître la satisfaction personnelle et l’accomplissement intellectuel de construire une carrière. De plus, cette situation pourrait les mettre à l’écart de leurs semblables.

L’argent confère aussi de la responsabilité, car une somme importante doit être gérée. Un patrimoine immobilier nécessitera peut-être que vos enfants gèrent les locataires et l’entretien des propriétés ; des portefeuilles d’investissement doivent être confiés à des professionnels mais exigent également l’implication des héritiers. Une fois encore, il est parfaitement raisonnable d’attendre ce niveau de responsabilité de la part d’un(e) jeune adulte de 25 ans, mais cela est peut-être trop ambitieux vis-à-vis d’une personne âgée de moins de 20 ans.

Le montant de l’héritage peut être déterminant également. Une somme à même de transformer une vie et de permettre à l’héritier de quitter son emploi, d’acheter un logement et de vivre librement, fait une grosse différence par rapport à l’héritage d’un apport pour l’achat d’une maison ou d’un petit portefeuille d’actions. De la même façon, dilapider un petit héritage peut donner une leçon de vie utile, et la famille aura alors moins de chances d’être contrariée que si le patrimoine gaspillé avait été plus important.

Comment les familles doivent-elles se préparer ?

Quel que soit l’âge qui vous semble le bon, vous devez informer vos enfants de votre décision. Certaines familles peuvent craindre d’altérer ainsi la relation avec leurs enfants, mais il vaut mieux que ceux-ci soient informés de ce qui peut se produire, qu’ils aient déjà rencontré les conseillers financiers ou autres professionnels appelés à jouer un rôle, et qu’ils comprennent ce que l’on attend d’eux.

De plus, il est avisé d’enseigner dès le plus jeune âge de bonnes habitudes financières. Les enfants qui ont appris la valeur de l’argent, qui ont l’habitude d’en parler et à qui l’on a confié la responsabilité de dépenser et d’épargner depuis qu’ils sont petits ont tendance à mieux gérer leur patrimoine une fois adultes.

Le bon âge

Le bon âge pour hériter peut varier d’une famille à l’autre, mais relativement peu de jeunes adultes sont prêts à recevoir un patrimoine important avant leurs 25 ans. Les personnes envisageant de léguer leur argent avant ou après leur disparition doivent mettre en place des mécanismes afin d’en tenir compte. Cette démarche impliquera probablement une forme de planification successorale. Il est possible de créer des fiducies procédant à une série de versements selon l’âge ou les événements de la vie, par exemple au moment d’un premier achat immobilier, au mariage ou à l’âge de 35 ans.

Les régimes de retraite peuvent également servir à différer un transfert de patrimoine : il est possible d’effectuer sur un fonds de pension de petits versements dont l’accès est bloqué jusqu’à une date très éloignée.

L’important sera de trouver le juste équilibre. Les familles veulent éviter les complexités superflues, mais elles ne souhaitent pas non plus transmettre à leurs enfants une somme trop importante sans prendre des mesures pour faciliter sa gestion. D’autres aspects, comme la fiscalité, doivent également être pris en compte. Il s’agit d’une décision difficile qui comporte un grand risque d’erreur et qui nécessite une approche collaborative, où chaque partie s’engage pleinement.

« Les parents devront peser les avantages et les inconvénients de léguer un patrimoine important à des enfants n’ayant pas encore assuré leur carrière. En effet, la présence de cet héritage peut les inciter à renoncer et mettre ainsi en péril leur progression professionnelle. »