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19 novembre 2024

Le leadership se conjugue aussi au féminin

Longtemps considérée comme exclusivement masculine, la figure du leader au sein d’une entreprise ou d’une organisation tend à évoluer. Au fur et à mesure que davantage de femmes accèdent à des postes élevés dans l’entreprise, on parle de plus en plus de leadership féminin. Existe-t-il vraiment un leadership proprement féminin ?

Ce n’est pas un scoop, il est difficile de se mettre d’accord sur ce qui fait un bon leader et sur ce qui le différencie d’un manager. Les débats deviennent encore plus intenses lorsqu’il est question de leadership féminin, de ses avantages pour l’entreprise et des éventuelles différences entre un leadership masculin et féminin. Et pour cause, plus on cherche à généraliser selon le genre, plus les distinctions et classifications proposées ne rendent pas justice à la complexité des situations et à la singularité des individus considérés. Nous connaissons ainsi tous des hommes dont le management se caractérise par des traits associés traditionnellement aux femmes ou, à l’inverse, des femmes qui dirigent leurs équipes avec un style jugé masculin.

Ne souhaitant nous fâcher avec personne, nous n’allons pas polémiquer dans cet article sur ces questions et tâcher de ne pas trop généraliser. Notre ambition se limite à poser quelques interrogations, partager certaines observations et stimuler la réflexion.

Manager est une fonction qui implique l’exercice d’une autorité, leader est une capacité d’influence qui découle de l’état d’esprit et de la manière d’être d’un individu.

Qu’est-ce qu’un bon leader ?

Avant de s’interroger sur les éventuelles différences entre les leaderships masculins et féminins, il faudrait pouvoir se mettre d’accord sur ce qui fait un leader. Et le premier constat est que ce n’est pas le titre ou la fonction qui fait le leader. Manager est une fonction conférée par l’organisation et qui implique l’exercice d’une autorité. Leader est une capacité d’influence manifeste qui découle de l’état d’esprit et de la manière d’être d’un individu.

Quand nous parlons de leadership, nous évoquons généralement la capacité d’un individu à inspirer la confiance, à guider les autres, à les motiver et à les influencer pour atteindre collectivement certains objectifs définis par une organisation. Le leader n’a pas forcément une position hiérarchique plus élevée que ceux qu’il influence.

Selon les 10 règles du leadership que nous avons décrites ailleurs, il semble évident que l’attitude qui fait un leader n’est ni masculine, ni féminine. Si cette impression est fondée, les différentes variantes de leadership ne sont alors pas liées au genre, mais à la capacité d’une personne, homme ou femme, à appliquer et à manifester ces attitudes constitutives du leadership.

Les différentes variantes de leadership ne sont pas liées au genre, mais à la capacité d’une personne, homme ou femme, à appliquer et à manifester les attitudes constitutives du leadership.

Que faut-il pour devenir un bon leader ? Parmi les compétences (ou soft skills) souvent citées, il y a lieu de mentionner l’humilité et l’intégrité, la volonté de grandir et d’aller de l’avant en vue de concrétiser une vision ambitieuse, l’intelligence émotionnelle pour susciter l’adhésion, la confiance en soi, la capacité à ne pas se disperser, une quête d’excellence ainsi qu’une attitude orientée vers le résultat, des idées innovantes, etc.

Un bon leader doit avoir le sens de qui il est, où il se situe, vers où il doit aller et comment s’y rendre collectivement. Pour cela, il lui faut : présence et lucidité (se poser les bonnes questions et comprendre les enjeux de son environnement), légitimité et expertise (affirmer avec conviction ses idées et assumer ses décisions), mais aussi sincérité et ouverture (créer et entretenir le lien). Difficile de prétendre que ces éléments sont davantage masculins ou féminins. Toute personne, homme ou femme, qui progresse sur ces dimensions progresse également dans son leadership.

S’accorder sur ce point devrait clôturer le débat. Pourquoi n’est-ce pas le cas ? Parce que lorsque nous parlons de leadership féminin, nous confondons presque toujours l’attitude du leader avec le style du manager. La plupart des discussions autour du leadership féminin et de ses bénéfices pour l’entreprise sont en réalité des discussions sur la nécessité d’avoir davantage de femmes managers dans les entreprises. Et ce n’est pas du tout la même discussion.

Une plus grande égalité d’opportunités dans l’accès aux fonctions de direction élargit le choix dans la sélection du meilleur candidat possible pour un poste donné.

Opter pour la diversité, une richesse pour l’entreprise

Le manager a longtemps été associé à une figure masculine. Aujourd’hui, le plafond de verre se fissure enfin et de plus en plus de femmes accèdent à des positions managériales. Il y a lieu de s’en réjouir. En effet, opter pour une plus grande égalité d’opportunités dans l’accès aux fonctions de direction est particulièrement bénéfique pour toute entreprise. La raison en est évidente : cela élargit le choix dans la sélection du meilleur candidat possible pour un poste donné. D’un point de vue structurel, cela permet d’améliorer la performance organisationnelle de l’entreprise en composant une équipe dirigeante plus riche dans ses aptitudes, attitudes et modes d’expression. Car c’est bien la diversité qui est source de richesse pour l’entreprise, et c’est dès lors l’égalité des droits qu’il s’agit de promouvoir et non l’uniformité.

Sans avoir un avis éclairé sur la question, nous constatons que l’on tend à attribuer à un management féminin des qualités comme l’empathie, la bienveillance, l’altruisme, le partage et l’écoute, indispensables pour gagner la confiance des collaborateurs, susciter leur adhésion ou influencer les résultats de la société. Ce type de management reste orienté sur les résultats, mais il met également en avant l’équipe et le bien(-être) collectif. Ces soft skills se sont montrées plus essentielles que jamais pendant la pandémie, durant laquelle le lien et l’esprit d’équipe ont pu être fragilisés par le télétravail et une forme de repli sur soi face à un environnement anxiogène.

Affirmer qu’il y a des attributs managériaux plutôt féminins ne signifie nullement que les dirigeantes ne sont pas capables de faire preuve de force de conviction, de détermination et de confiance en soi. Des caractéristiques souvent attribuées aux hommes.

Tout cela pour dire quoi ? Tout d’abord, que la diversité n’est pas une menace pour l’entreprise, à tous les niveaux de son organisation. Ensuite, que cette diversité ne devient une richesse que si elle s’assume dans ce qu’elle est : une force pour avancer ensemble vers un objectif commun plutôt qu’un problème à gommer en imposant un moule unique auquel chacun doit se conformer. Dit autrement, si le leadership semble transcender la question du genre, la situation semble plus ouverte sur la question du style managérial… et c’est une chance pour l’entreprise qui est capable d’embrasser la diversité au sens large, pas uniquement sur la question du genre.

Terminons ce point en rappelant que gravir les échelons hiérarchiques d’une entreprise a un prix qu’il faut être prêt à payer en termes de volonté, d’engagement, d’audace et de résistance au stress. Tout le monde n’en est pas forcément capable ou ne le souhaite pas. Notre appel est alors le suivant : il appartient à l’entreprise de créer des conditions équitables d’accès aux fonctions managériales et de permettre ensuite à chacun de décider pour lui-même s’il souhaite tenter sa chance. Le seul impératif est de ne pas décider à la place d’une personne sous prétexte de son genre ou de tout autre critère sans lien avec le poste proposé.

Où en est le Luxembourg ?

Même si les stéréotypes persistent et freinent le développement personnel, au Luxembourg, les dirigeantes semblent inspirer tout autant que les managers masculins. Des progrès sont en effet observés. Même si elle ne s’opère pas au rythme espéré par certains, la féminisation des fonctions dirigeantes est en marche. En témoigne le gouvernement, qui compte aujourd’hui cinq femmes ministres. Celui-ci s’était, en outre, fixé comme objectif que les conseils d’administration des établissements publics et sociétés dans lesquels l’État est représenté soient constitués à 40 % de femmes. Mission accomplie en 2019 !

Au Luxembourg, 2.300 femmes occupaient des fonctions exécutives (directrices, cadres de direction ou gérantes) selon les chiffres d’Eurostat pour l’année 2019. Une nette croissance par rapport à 2016 (600). Cette catégorie professionnelle est celle ayant connu la plus forte progression de femmes ces dernières années (augmentation de 18 à 26 %). Entrepreneuses avec l’appétit de créer et d’investir, dirigeantes salariées pilotant une entreprise ou administratrices impliquées dans des organisations, les femmes occupent de plus en plus de postes haut placés. Prenons les exemples de Michèle Detaille (1re femme à la tête de la Fedil), Sasha Baillie (CEO de Luxinnovation), Nora Back (Présidente de la Chambre des Salariés) ou encore Yuriko Backes (1re femme Maréchale de la Cour).

Verre à moitié plein ou à moitié vide ?

Avec un écart salarial de 7,2 % (1,6 % pour le salaire horaire) et des femmes toujours plus diplômées, le Luxembourg semble, à première vue, être plutôt un bon élève en comparaison avec d’autres pays européens. Pourtant, de nombreuses améliorations peuvent encore être apportées pour accroître cette égalité d’opportunités dans l’accès aux fonctions à responsabilité et l’égalité salariale pour travail équivalent.

Offrir les mêmes chances à tous, c’est augmenter la probabilité de tirer le meilleur de chacun et bénéficier d’un niveau global de compétences plus important dans l’entreprise.

Autre point d’attention, le pourcentage de l’emploi total des femmes est plutôt faible (38 %). La « ségrégation » professionnelle est également marquée : les femmes sont davantage présentes dans certains secteurs comme la santé et l’action sociale (dont elles représentent 75 % des salariés) au contraire de celui de l’industrie (17 %). Faut-il se féliciter de ces résultats qui traduiraient des préférences liées au genre ou regretter des inégalités qui résulteraient de barrières qui demeurent ? Nous ne prenons pas position dans ce débat. Nous plaidons en revanche pour encourager sans réserve la diversité et la mixité à tous les étages de la société en général, à la tête des organisations et entreprises en particulier. Offrir les mêmes chances à tous, c’est augmenter la probabilité de tirer le meilleur de chacun et bénéficier d’un niveau global de compétences plus important dans l’entreprise.

Cheffes émotives et orientées vers le relationnel, managers directifs faisant passer le personnel avant le collectif, les stéréotypes ont la peau dure lorsqu’il s’agit de postes à responsabilité. Plutôt que de s’écharper pour savoir qui a raison, ne serait-il pas plus utile de promouvoir un leadership qui ne connaît pas la barrière du genre, tout en laissant à chacun le soin d’être le meilleur manager possible à partir de ses aptitudes, valeurs et spécificités ?