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3 mai 2024

L’or, mon précieux

  Olivier Goemans myINVEST 13 octobre 2023 1338

L’or est un métal fascinant qui fait partie de la liste très select des métaux nobles. À la fois rare, singulier et précieux, il résiste au temps, aux intempéries, ne ternit pas et ses propriétés physicochimiques sont nombreuses : inaltérable, inoxydable, malléable, une excellente conductivité électrique et thermique, etc. Pourtant, sa vraie valeur est sans doute ailleurs.

Avec ses propriétés, rien d’étonnant à ce que l’or soit utilisé notamment dans la fabrication de nombreux composants électroniques, dans le secteur de l’aérospatial, en dentisterie et, bien entendu, dans l’orfèvrerie. Ce n’est toutefois pas cela qui explique réellement son succès.

Une matière première plurielle

Qu’est-ce qui distingue l’or des autres matières premières ? D’abord le fait qu’il est bien plus qu’une matière première. Le métal jaune est pluriel. L’histoire de son utilisation par l’homme est parsemée de symboles. Avant même d’acquérir une valeur marchande, l’or s’est imposé comme marqueur de lumière, de perfection, de richesse spirituelle et même du divin dans de nombreuses cultures.

Don du ciel pour les Égyptiens, il accompagne Toutankhamon dans l’au-delà. Pour les Grecs, la Toison d’Or fait l’objet d’une quête mythique de la part de Jason et de ses Argonautes. À la découverte du Nouveau Monde, les conquistadors espagnols se lancent en quête de l’Eldorado, à la recherche des mystérieuses cités d’or. Dans nos contrées, l’or a fait l’objet de nombreuses convoitises et a souvent servi à rehausser le prestige des lieux de culte et résidences de monarques. Toutefois, hormis le célèbre Panoramix de la BD « Astérix », la serpe d’or utilisée pour la cueillette du gui n’a jamais été l’outil préféré de la corporation druidique.

Aujourd’hui encore, la symbolique de l’or demeure très importante. C’est particulièrement vrai dans le domaine du sport avec, par exemple, les récompenses du ballon d’or en football ou la médaille olympique décernée au vainqueur d’une épreuve. L’or occupe une place tellement importante qu’il a enrichi notre langue de nombreuses expressions : avoir de l’or dans les mains, rouler sur l’or, un âge d’or, un prix d’or, en lettres d’or … Il est tellement paradigmatique qu’il sert de référent pour désigner d’autres ressources de valeur : l’or noir, l’or blanc, etc.

Métal favori des bijoutiers (+/- 50% de la demande mondiale), accessoirement une matière première, l’or est aussi un actif financier (+/- 35% de la demande mondiale provenant des banques centrales, des institutions financières internationales et des investisseurs). Historiquement, l’étalon or a joué un rôle de réserve de valeur et a assuré la convertibilité de la monnaie fiduciaire jusqu’à la fin des accords de Bretton Woods en 1976.

Si l’or est la valeur refuge la plus connue et la plus ancienne, elle est peut-être aussi la plus controversée.

La plus ancienne la valeur refuge

Si l’or est la valeur refuge la plus connue et la plus ancienne, elle est peut-être aussi la plus controversée. De nos jours, l’or reste un instrument de diversification des réserves de change pour de nombreuses banques centrales. Il s’impose comme un marqueur de puissance, de confiance, de robustesse, un gage de stabilité, mais aussi un moyen stratégique pour certains Etats de réduire leur dépendance au dollar américain. Le Fonds Monétaire International (FMI) figure toujours parmi les principaux détenteurs d’or au monde. C’est un gage de stabilité pour le système financier international en plus de permettre une utilisation éventuelle en nantissement de crédits.

Du côté des investisseurs, l’or reste considéré par beaucoup comme une valeur refuge, même s’il a perdu son rôle d’étalon monétaire depuis plusieurs décennies. Ses partisans affirment que l’or présente une qualité intemporelle, contrairement à la monnaie papier qui peut être imprimée à l’infini par les banques centrales selon les besoins.

À contrario, ses détracteurs disent que l’or n’a aucune fonction économique et qu’il est devenu le joujou des spéculateurs. John Maynard Keynes, probablement l’un des théoriciens les plus influents en économie, n’hésitait pas à qualifier l’or de relique barbare. Avec, en démonstration, l’observation que l’or ne sert à (presque) rien, ne produit rien, et ne génère aucun cash-flow.

Dans l’univers de Tolkien, le précieux anneau est bien plus qu’un simple bijou parce qu’il est doté d’une puissance démoniaque extraordinaire. Dans le monde de l’investissement, l’or est bien plus qu’une simple matière première parce qu’il est doté d’un pouvoir de fascination hors norme. Ne rapportant pas de revenu, n’ayant pas de date d’échéance et caractérisé par une valeur sentimentale, l’or se laisse très difficilement évaluer à l’aide des modèles financiers traditionnels.

Le rôle d’un actif refuge n’est pas de gagner de l’argent, mais de ne pas en perdre.

N’en déplaise à Keynes, l’or, probablement plus encore que tout autre actif, vaut ce que les gens sont prêts à payer pour l’obtenir. Il est utile de rappeler ici que le rôle d’un actif refuge n’est pas de gagner de l’argent, mais de ne pas en perdre. Pour les partisans de la valeur refuge, l’or n’est pas un placement, mais une assurance tout risque pour son patrimoine. Une assurance qui n’est pas censée vous rapporter des intérêts ou vous distribuer des dividendes.

Un actif universel, clivant et dont la valeur fluctue

L’éclat du métal jaune est soumis aux aléas des marchés financiers. Aussi noble soit-il, son cours n’échappe pas à la loi de l’offre et de la demande, ni à la psychologie qui affecte les marchés. Dans l’inconscient collectif, l’or est un actif tangible véhiculant un sentiment de stabilité qui rassure. Dans les faits, la réalité est cependant différente avec des cours de bourse qui font régulièrement le yo-yo et qui provoquent des sueurs froides pour certains investisseurs. Pourquoi ces fluctuations ?

Créature pour le moins capricieuse, le prix de l’or est fonction de nombreux facteurs (masse monétaire, taux d’intérêts réels, évolution du cours du dollar, …). Etant libellé en dollar, le cours de l’or est ainsi affecté par l’évolution du dollar. Avec une corrélation négative, bien que non stable dans le temps, l’or offre une assurance contre le risque de change pour les investisseurs détenant des actifs en dollar.

Symbole de richesse et de prospérité, l’or est aussi un objet de spéculation. Son rôle d’amortisseur vis-à-vis des indices boursiers diffère selon le régime de stress financier. En période de stress modéré, l’or est bien une valeur refuge dont le rendement est négativement corrélé aux rendements boursiers. En revanche, en période de stress extrême, les rendements boursiers et le rendement de l’or sont généralement positivement corrélés, probablement parce que les investisseurs sont alors contraints de liquider une partie de leurs positions sur l’or, actif liquide, pour couvrir les appels de marges et les pertes sur d’autres classes d’actifs.

En période de stress modéré, l’or est bien une valeur refuge dont le rendement est négativement corrélé aux rendements boursiers. En revanche, en période de stress extrême, les rendements boursiers et le rendement de l’or sont généralement positivement corrélés.

Avec des soubresauts aussi surprenants que rapides, l’or est un actif volatil et risqué. Mais l’or présente des attributs particuliers et des caractéristiques intéressantes pour un investisseur : une offre limitée, une demande diversifiée et tout un ensemble de croyances qui s’y rattachent. Des croyances ponctuellement, mais pas systématiquement, avérées (protection contre l’inflation, amortisseur de volatilité, couverture contre l’incertitude).

Du côté de l’offre, l’or reste rare. On estime que si la totalité de la production mondiale depuis le début de l’humanité (un peu plus de 205.000 tonnes du précieux métal jaune) était fondue, on pourrait en faire un cube qui ne dépasserait pas 22 mètres de côté. Malgré la quête désespérée de nombreux alchimistes, aucune pierre philosophale n’est jamais parvenue à transformer le plomb en or. Un accélérateur de particules ferait l’affaire, mais la simple production de quelques grammes coûterait des milliards en raison des frais de fonctionnement. Bref, l’or reste une denrée rare qui ne subit pas les outrages du temps, est facilement négociable et universellement reconnue. De quoi conserver un attrait important pour beaucoup.

Pour toutes ces raisons et compte tenu de son faible degré de corrélation sur le long terme, détenir de l’or en proportion limitée dans un portefeuille composé d’actions et d’obligations, peut réduire la volatilité et améliorer le ratio de Sharpe du portefeuille (rapport risque-rendement). Mais gardons en tête que l’or n’a pas que des partisans, ni que des avantages. Il ne génère pas de revenu, il est trop peu flexible pour servir de monnaie et il entraîne des coûts de stockage et d’assurance.