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30 avril 2024

Finances: comprendre la valeur de la gratification différée

Dans un monde hyperconnecté qui nous sollicite constamment par le biais de messages, de notifications et d’alertes, il est difficile de résister à l’attrait de la gratification instantanée. Pourtant l’expression « Patience est mère de toutes les vertus » demeure valable aujourd’hui pour celui qui veut consolider son patrimoine et progresser sur le chemin de la liberté financière. Il est grand temps de redécouvrir la valeur de la gratification différée!

Ce qu’il faut retenir

    • L’importance que nous accordons à nos désirs actuels (gratification immédiate) est souvent bien plus grande que celle que nous accordons à nos désirs futurs (gratification différée).
    • Apprendre à résister au court-termisme est indispensable pour celui qui souhaite bien gérer son patrimoine à long terme.
    • La gratification différée correspond à la capacité à résister à l’attrait d’une récompense instantanée et à attendre une récompense future potentiellement plus importante. Elle constitue un des piliers fondamentaux de la planification financière et patrimoniale.
    • La gratification différée demande la maîtrise de soi. Cette dernière implique un ensemble de compétences qui peuvent être enseignées et apprises.

Notre vie hyperconnectée nous expose chaque jour à des milliers des messages et de sollicitations qui stimulent un de nos instincts les plus primaires: le besoin de gratification immédiate et de satisfaction à court terme. Indifférent à l’avenir, la gratification instantanée est un instinct de survie profondément ancré dans notre cerveau et hérité de nos ancêtres dont la principale préoccupation était de savoir d’où viendrait leur prochain repas.

Très utile dans un environnement hostile où la survie immédiate est le principal enjeu, cet instinct constitue un puissant frein à l’atteinte de nos objectifs à long terme. Et pour cause, celui qui mange toutes ses semences aujourd’hui n’aura plus rien à planter demain et rien à récolter après-demain.

Il est aujourd’hui établi que la gratification instantanée déclenche souvent la libération de dopamine dans le cerveau, un neurotransmetteur associé au plaisir et à la récompense. Les technologies et autres applications exploitent ce « faux » besoin de satisfaction immédiate pour générer un comportement. Pourtant, il est utile d’apprendre à résister au court-termisme. C’est particulièrement vrai lorsqu’il s’agit de prendre les décisions qui favorisent votre bien-être financier à long terme. Il est grand temps d’accorder plus d’importance à la gratification différée!

L’expérience du marshmallow

La gratification différée correspond à la capacité à résister à l’attrait d’une récompense instantanée au bénéfice d’une récompense future potentiellement plus importante.

La gratification différée correspond à votre capacité à résister à l’attrait d’une récompense instantanée au bénéfice d’une récompense future potentiellement plus importante.

Ce concept a été étudié dès les années 1970 à Stanford lors du célèbre « test du marshmallow ». Il s’agit d’une expérience menée auprès d’enfants par le psychologue Walter Mischel et son équipe. Mischel a testé la capacité de jeunes enfants à faire preuve de maîtrise de soi et à ne pas manger un marshmallow qui était laissé devant eux alors qu’ils étaient laissés seuls dans la pièce durant une dizaine de minutes. Chaque enfant était informé que, s’il tenait le coup, il serait récompensé par deux marshmallows lorsque le chercheur reviendrait.

Cette expérience a fait le tour du monde et a attendri de nombreux spectateurs amusés face aux efforts déployés par certains enfants pour résister avec succès ou non à la tentation. En réalité, l’étude réalisée visait surtout à illustrer et analyser les bienfaits de la patience pour le développement cognitif, notamment pour la gestion du stress et le goût de l’effort. Cette expérience permet aussi de mieux comprendre l’impact de la patience dans la vie en général.

En matière de finances et d’investissements, la patience et la gratification différée s’imposent comme des clés du bien-être financier. En effet, à l’instar d’un enfant devant un marshmallow, il est difficile pour un adulte de tempérer ses envies du moment et de privilégier la construction d’un patrimoine à long terme. Nous avons tous nos marshmallows qui nous tentent au quotidien. Pratiquer la gratification différée n’interdit pas d’y succomber de temps en temps. Elle permet toutefois de trouver un équilibre entre profiter du présent et se donner les moyens de faire perdurer ce bien-être à l’avenir.

Comprendre le coût de l’impatience

Si la gratification immédiate est si attirante, comment faire pour ne pas y succomber? Plutôt que se focaliser sur une envie à réfréner, il est utile de comprendre et de se concentrer sur ce que l’on perd en étant impatient. Prenons l’exemple de l’investissement et de la course permanente à la performance.

Les investisseurs qui persistent à agir de manière impulsive se concentrent sur les avantages et les coûts immédiats. Ce faisant, ils favorisent le court-termisme et succombent au biais de temps présent. Ces personnes impatientes vivent dans l’illusion qu’elles peuvent anticiper le marché et prendre des mesures à court terme pour augmenter les rendements ou éviter les pertes. Ces investisseurs recherchent une gratification instantanée en pratiquant la course à la performance, en sautant d’une action ou d’un fonds à l’autre. Ils succombent à l’illusion du market timing qui peut coûter très cher. S’il est toujours possible de réussir des « coups », cette posture n’a rien de bon sur le long terme. Pour le dire avec les mots de Warren Buffett: « Si vous n’êtes pas prêt à détenir une action pendant 10 ans, ne pensez même pas à la détenir pendant 10 minutes ».

« Si vous n’êtes pas prêt à détenir une action pendant 10 ans, ne pensez même pas à la détenir pendant 10 minutes » (Warren Buffett)

Signalons que l’impulsivité peut également être nourrie par l’aversion à la perte. Les investisseurs qui ne supportent pas l’idée de perdre de l’argent ont tendance à fuir le marché à la moindre turbulence, transformant ce qui s’avère généralement être une baisse temporaire de la valeur du portefeuille en une perte permanente de capital. Cela nuit inévitablement à la performance de leurs investissements à long terme. Avoir la patience d’attendre et sortir la tête du guidon sont des qualités fondamentales pour réussir en investissement.

S’inspirer des autres? Bof!

Les investisseurs pressés craignant de louper une opportunité, ont tendance à s’inspirer des autres pour savoir comment réagir, passant notamment de nombreuses heures à observer les pseudo-conseils sur les réseaux sociaux. Ils en oublient ainsi que la mentalité grégaire dans le domaine de l’investissement est un catalyseur de krachs boursiers: tout le monde suit le troupeau jusqu’au bord de la falaise. Sans parler des nombreuses arnaques vantées par les pseudos experts.

La patience, cela s’apprend

Prendre des décisions judicieuses dans une perspective à long terme exige d’adopter un processus de réflexion délibérée qui va à l’encontre de nos instincts. Heureusement, apprendre la patience et l’autodiscipline en vue de pratiquer la gratification différée peut s’apprendre à tout âge. Pour s’en convaincre, il faut revenir au fameux « test du marshmallow ».

Un grand nombre d’études de suivi et de tentatives de répliques de l’expérience ont mis en évidence que ce test ne permettait de mettre en lumière qu’une partie de la réalité. On sait aujourd’hui que ce test ne prédit en rien la réussite future dans la vie d’un enfant et que de nombreuses variables comme les différences culturelles n’avaient pas été correctement prises en compte dans le test initial. Les créateurs du test eux-mêmes en sont convaincus aujourd’hui: la maîtrise de soi – et la capacité à réguler ses propres émotions – implique un ensemble de compétences qui peuvent être apprises.

La maîtrise de soi – et la capacité à réguler ses propres émotions – implique un ensemble de compétences qui peuvent être enseignées et apprises.

Comment réussir à pratiquer la gratification différée?

    • Être convaincu du bienfait de la patience. Une étude de suivi sur les marshmallows a conclu que la maîtrise de soi était importante, mais qu’une certaine dose de confiance en l’avenir et en la stabilité du monde était tout aussi essentielle. Pour renoncer au marshmallow aujourd’hui, il faut être convaincu que la récompense future sera meilleure. Appliqué à la finance, cela signifie qu’il faut prendre le temps d’étudier les principes fondamentaux d’une bonne gestion patrimoniale et consulter un conseiller financier pour vous aider à adopter une perspective de long terme. Il peut même s’avérer utile de consulter un psychologue pour comprendre les raisons de votre instabilité et impatience en matière de gestion d’argent. Apprendre à identifier vos biais comportementaux est essentiel pour ne pas y succomber et prendre les bonnes décisions.
    • Avoir des projets concrets. Si vous n’avez pas une idée très claire de ce que vous voulez obtenir avec votre argent et à quel horizon, vous aurez beaucoup de mal à éviter les tentations qui se présenteront à vous au quotidien. Prenez le temps de définir et de visualiser vos objectifs, comment vous comptez les atteindre et, surtout, combien de temps cela prendra. Plus vous pouvez définir concrètement un objectif à long terme et en visualiser les bénéfices, mieux cela sera. Les enfants qui ont réussi le test du marshmallow ont utilisé des techniques de distraction pour améliorer leur maîtrise de soi. Ils se sont focalisés sur autre chose que la tentation immédiate. Ils ont fait exprès de ne pas regarder le marshmallow et de se concentrer sur quelque chose d’autre dans la pièce. De même, visualisez ce que vous aimeriez concrétiser dans 5 ans, dans 10 ans, dans 20 ans. Dressez une liste de vos objectifs et pensez à la placer à un endroit bien visible.
    • Investissez dans de bonnes stratégies de placement et appuyez-vous sur des experts pour vous aider à les poursuivre. Un conseiller financier peut vous aider à développer une stratégie d’investissement solide et à long terme, basée sur vos objectifs, priorités et préférences spécifiques. Il est également possible de lui déléguer la gestion de vos investissements. C’est pour vous la garantie que la stratégie choisie sera poursuivie et cela vous évite de revoir vos positions au gré de vos pulsions et des sollicitations du moment qui réveillent votre instinct de gratification immédiate.

La maîtrise des finances personnelles ne se résume pas à la gestion de l’argent, mais aussi à la gestion du temps.

    • Reprendre la maîtrise du temps et faire le tri entre besoins, désirs et pulsions. Au moment de hiérarchiser vos priorités d’achat ou d’investissement, il est essentiel toujours donner la priorité au besoin. Face à un désir, la bonne stratégie consiste à attendre un peu avant d’effectuer l’achat. Ne pas succomber immédiatement donne le temps de rationnaliser l’envie et aide à prendre la bonne décision. La maîtrise des finances personnelles ne se résume pas à la gestion de l’argent, mais aussi à la gestion du temps. Il s’agit de savoir quand dépenser et quand épargner, quand profiter du présent et répondre à un vrai désir et quand préparer l’avenir. Trouver cet équilibre permet de préparer l’avenir tout en profitant sainement du présent.
    • Ne pas vivre au-dessus de vos moyens. Cette notion de bon sens est encore plus valable si vous possédez un patrimoine ou des revenus confortables. Être conscient de ses moyens et savoir reporter un achat est un des fondements de la planification financière, ensemble avec le concept de gratification différée. Il est important de bien faire attention à l’inflation de son niveau de vie. Plus on dispose de moyens confortables, plus cette inflation mobilise des montants importants.

La gratification différée est un des piliers fondamentaux de la planification financière. Il est important de bien réfléchir à nos décisions présentes et à la manière dont elles affecteront notre avenir et celui de notre famille. Il ne s’agit pas de s’interdire de vivre au présent, mais d’être également capable de prendre les mesures qui permettront de continuer à bien vivre demain. Tout est une question d’équilibre.