Mieux apprivoiser son rapport à l’argent en grandissant
Tandis que les bonnes habitudes financières commencent idéalement à s’acquérir avant 7 ans, l’éducation financière prodiguée à vos enfants doit évoluer au fil de leur développement et de leur capacité. Il importe ainsi de les aider à sophistiquer leur rapport à l’argent à leur rythme afin d’être autonome au moment de se lancer dans la vie active.
Comment promouvoir une attitude positive face à l’argent et préparer nos enfants à devenir des adultes financièrement responsables lors qu’ils quitteront le nid familial ? Après vous avoir expliqué l’importance de commencer tôt et donné quelques recommandations pour le premier âge, myLIFE vous explique comment mieux guider vos enfants, pas à pas, vers l’autonomie financière.
À 7 ans, si vous avez familiarisé vos enfants avec les notions de base, ils sont en mesure de comprendre que l’argent est un moyen et non une fin en soi. Il va à présent falloir les aider à différencier envies et besoins, court et long terme. Dit autrement, ce n’est plus seulement la notion d’épargne qui est en jeu, mais celle de la planification et de la gestion budgétaire.
Les enjeux d’une telle éducation sont bien détaillés dans le programme de « bien-être financier » établi par le gouvernement britannique (The UK Strategy for Financial Wellbeing) qui se donne pour mission d’offrir une éducation financière à plus de 2 millions de jeunes d’ici à 2030. Selon ce programme, une bonne éducation financière consiste à :
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- augmenter la confiance en soi pour parler et apprendre sur l’argent ;
- accroître la connaissance et compréhension des termes et produits financiers ;
- améliorer la confiance en soi pour mieux gérer son argent ;
- améliorer ses compétences pour faire le suivi de ses comptes ;
- accroître l’utilisation de comptes bancaires ;
- améliorer la capacité à lire des relevés bancaires ou d’autres documents financiers ;
- être capable de décider d’épargner au lieu de dépenser à court terme ;
- accroître la fréquence à laquelle on peut épargner ;
- accroître les compétences en matière de gestion et planification budgétaire.
Mais comment faire ? Comment parvenir à susciter l’envie d’apprendre à mieux gérer ses finances ? Avec créativité et pédagogie, plutôt que de manière autoritaire. En effet, introduire abruptement des chiffres et des terme complexes n’a rien de très attrayant pour des adolescents qui préfèrent se faire plaisir avec leur argent de poche. Il importe d’être un interlocuteur légitime et de trouver le bon ton pour qu’ils ne rejettent pas vos bons conseils avant même d’en comprendre la portée.
Il est très difficile de forcer un individu à assimiler une information et à agir en fonction s’il ne comprend pas d’abord l’intérêt personnel qu’il peut en retirer.
La bonne motivation à agir…
En science comportementale, on sait qu’il est difficile de forcer un individu à assimiler une information et à agir en fonction s’il ne comprend pas d’abord son intérêt personnel à le faire. Pour intéresser nos jeunes à la finance et aux notions budgétaires, il faut identifier leurs envies et aspirations, puis les utiliser comme tremplin pour établir un échange constructif autour des questions d’argent.
Qu’il s’agisse d’un nouveau vélo, de la dernière console de jeux ou d’un futur voyage entre copines, partez de ce qui les fait vibrer plutôt que de leur parler abstraitement de la nécessité d’établir un budget. De même, évitez les horizons temporels trop lointains. Dire à un jeune de 12 ans qu’il doit économiser pour une voiture à 18 ans fait peu de sens pour lui.
C’est seulement quand les finances se rattachent à un projet ou une envie concrète que votre enfant accepte de vous écouter et cherche à comprendre les vertus de l’épargne et de la bonne gestion budgétaire. Votre discours sera alors quelque chose comme : « tu as un projet, tu as donc besoin de te donner les moyens de le concrétiser. Pour cela, je peux t’aider sur la manière de gérer ton argent et de prendre de bonnes décisions ». Aucune garantie à ce stade qu’il vous écoute toutefois. En effet, la bonne motivation ne suffit pas… encore faut-il être également le bon interlocuteur.
Pour être entendu, celui qui parle doit être considéré comme légitime et crédible par celui qui l’écoute.
… et le bon interlocuteur pour véhiculer le message
Qui parle ? L’économie comportementale insiste beaucoup sur l’importance du messager. Ce dernier doit à la fois être légitime et crédible. Légitime dans le sens où l’enfant ou le jeune lui reconnaît le droit de parler dans sa vie en général. Crédible dans le sens où la manière d’être de la personne qui parle ne doit pas contredire son discours, ni avoir des intentions pouvant être interprétées comme contraires aux intérêts de celui qui écoute.
Ainsi, pour un ado, recevoir des conseils de ses parents est légitime, mais pas toujours crédible. De plus, cela peut être davantage perçu comme un ordre que comme un conseil bienveillant. Pour mieux accepter et assimiler un message, il faut identifier le bon messager, le « role model » auquel votre enfant peut s’identifier. Cela peut être un parent, un ami, voire une personnalité reconnue ou un individu investit d’une certaine autorité.
En 2021, le Financial Times a lancé un grand projet visant à promouvoir l’éducation financière auprès des plus jeunes et des adultes. Le journal a choisi de laisser la place dans ses colonnes à des personnalités connues afin qu’ils parlent de leur rapport à l’argent. On y trouve ainsi une tribune remarquable écrite par Courtney Love, rockstar et veuve de Kurt Cobain, célèbre chanteur du groupe de rock Nirvana. Loin du bien-être financier dont sa famille aurait dû profiter grâce aux revenus générés par son mari, elle y explique comment sa famille est au bord de la faillite par un manque d’éducation financière. Un manque qui l’a conduite à laisser trop de place à des personnes de son entourage, qui ont profité de son ignorance pour dilapider ou simplement voler ses économies.
Reconnaissant que sa situation n’est pas le fruit d’une fatalité, elle insiste alors sur l’importance pour chacun d’apprendre à gérer tôt son argent et cite en exemple d’autres célébrités comme Lenny Kravitz, Bono (U2) ou même Dave Grohl, lui-même ancien membre du groupe Nirvana, qui prennent correctement soin de leurs finances.
Assurez-vous que vos enfants suivent des personnalités qui les influencent dans la bonne direction.
Soyez donc non seulement à l’écoute des hobbies de vos enfants, mais apprenez aussi à connaître ces « role model » qui les font rêver. Assurez-vous alors qu’ils suivent des personnalités qui les influencent dans la bonne direction.
A chaque âge son apprentissage
Au-delà des grands principes évoqués, il est important d’adapter votre éducation en fonction de leur âge lorsqu’il est question d’argent. Voici quelques points à considérer.
De 7 à 10 ans : prendre l’habitude d’épargner
À cet âge, il faut d’abord et avant tout inculquer l’habitude d’épargner. En encourageant votre enfant à déposer régulièrement de l’argent dans sa tirelire maison ou sur un compte épargne, vous pouvez discuter d’objectifs à court et à moyen terme avec lui. Il importe aussi de montrer de manière tangible la preuve de la croissance de leur épargne, d’où l’intérêt de l’inviter à glisser une pièce dans une tirelire et de montrer que cette dernière se remplit petit à petit.
De 10 à 13 ans : gérer activement ses économies
Tandis qu’il entre dans la préadolescence, il est temps de commencer à parler budgétisation avec votre enfant. Précédemment, il a pu se rendre compte du bien-fondé de la gratification retardée, c’est-à-dire que l’épargne permet de s’offrir à plus long terme des plaisirs à coût plus élevé. Mais il s’agissait essentiellement d’une observation passive qui exigeait « uniquement » de la patience. Désormais, il doit doucement apprendre à gérer son argent de poche activement en créant et se fixant de petits objectifs avec différents horizons temporels.
De 13 à 16 ans : apprendre à contrôler l’argent numérique
Dans cette tranche d’âge, votre adolescent est déjà plus connecté que vous. Il importe de s’assurer qu’il comprend la différence entre argent comptant et crédit (particulièrement la carte de crédit). En effet, à l’ère de l’argent numérique, des applications mobiles et des achats intégrés, il peut être difficile de suivre les dépenses. Les moyens de paiements utilisés influencent notre comportement d’achat.
Pour l’aider à mieux comprendre le concept de « crédit », montrez-lui votre facture de carte de crédit, expliquez comment fonctionnent les frais d’intérêt, expliquez pourquoi vous avez une carte de crédit et l’importance d’effectuer ses paiements à temps, ou de payer le solde chaque mois.
Enfin, il peut être utile de l’aider à s’approprier les applications mobiles en lien avec son compte bancaire et la gestion de son budget. Il faut aussi l’aider à se fixer des objectifs d’épargne et identifier le coût d’opportunité des achats impulsifs ou nécessaires.
Faites-vous un devoir d’examiner et de parler régulièrement de votre comportement en matière de dépenses.
De 16 à 18 ans : générer l’habitude suivre son argent
Vous pouvez envisager d’introduire un portefeuille d’investissement pédagogique ou pratique et travaillez avec votre adolescent pour rechercher, sélectionner et surveiller ses investissements. Insistez sur l’importance de ne dépenser que l’argent qu’il a, et faites-vous un devoir d’examiner et de parler régulièrement de votre propre comportement en matière de dépenses.
Afin de le préparer à devenir autonome lorsqu’il quittera la maison, transférez progressivement à votre adolescent la responsabilité de gérer seul certaines catégories de ses dépenses grâce aux liquidités générées par ses économies, ses allocations, son argent de poche ou son un job d’été. Que ce soit mensuellement ou trimestriellement, établissez une routine pour examiner avec lui les relevés de téléphone cellulaire et autres dépenses alimentaires ou nécessaires pour sa scolarité.
De 18 à 23 ans : en route vers l’autonomie financière
Etudes à l’étranger ou premier boulot, cette étape de la vie marque une transition importante au cours de laquelle vos enfants acquièrent généralement une plus grande indépendance financière et personnelle. Tout au long de ces années, un apprentissage financier plus avancé et le développement de compétences en matière de gestion de l’argent doivent leur permettre de se créer un style de vie qui tend vers cette indépendance. À ce stade, votre enfant doit impérativement comprendre l’importance d’utiliser ses comptes bancaires de manière structurée pour garder une trace de l’argent et le gérer efficacement.
Vous pouvez l’encourager à établir un prélèvement automatique mensuel sur ses revenus afin de couvrir ses dépenses et augmenter progressivement la limite de sa carte de crédit selon sa situation. Établissez aussi avec lui un budget complet pour gérer les frais liés à ses études et achats quotidiens, afin qu’il puisse avoir une idée claire des coûts, ainsi que des besoins et des désirs liés à ses dépenses. Le fait qu’il soit encore sous votre toit ne constitue pas une excuse pour éviter l’exercice.
Expliquez enfin comment établir et maintenir un budget détaillé en enregistrant des objectifs financiers à court et à long terme (par exemple un nouveau téléphone, un nouveau véhicule, une maison, des études complémentaires). D’une manière générale, il importe d’encourager les discussions sur ses objectifs et sur la façon dont un plan budgétaire constitue un outil indispensable pour qui veut concrétiser ses plans d’avenir et réaliser ses rêves.
Au boulot !