Investissements : vous n’êtes pas des moutons !
En matière d’investissement, vous êtes plutôt du genre à suivre votre instinct ou à suivre l’avis des autres ? Régulièrement, myLIFE vous met en garde contre des impulsions qui peuvent être mauvaises conseillères, et vous incite à toujours prendre un avis éclairé avant de vous décider. Pour autant, il importe aussi de ne pas suivre aveuglément ce que font les autres. En effet, se conformer à la tendance d’investissement du moment est souvent davantage synonyme de danger que de sécurité. Dit autrement, vous n’êtes pas des moutons !
Le comportement de mimétisme
Connaissez-vous les lemmings, ces petits rongeurs vivants dans les régions arctiques et connus pour l’importance de leurs migrations. Se déplaçant en groupes très importants, ceux-ci font face à de fréquents accidents, en partie sans doute suite aux nombreuses bousculades. Cela a donné naissance au mythe de l’instinct grégaire poussé à l’extrême et selon lequel si le premier du groupe tombe d’une falaise, l’ensemble du groupe saute sans réfléchir.
Comme les lemmings, nous avons tous cet instinct grégaire qui nous pousse à prendre une décision ou à adopter un comportement non pas sur base de votre propre opinion, mais parce que vous voyez la plupart de vos semblables s’y rallier ? Laissez-nous deviner : vous le constatez très souvent chez les autres, mais vous êtes convaincu que cela ne vous concerne pas. Après tout, vous n’êtes pas un mouton et vous vous voyez comme quelqu’un de très rationnel. Depuis le temps que myLIFE aborde la question des biais cognitifs, vous devriez pourtant être sur vos gardes. Faisons un petit test.
Vous sillonnez en touriste les rues d’une ville que vous ne connaissez pas. Le soir venu, vous vous mettez en quête d’un restaurant pour aller dîner. Comment allez-vous arrêter votre choix ? Si vous décidez de manger local, comment décider entre deux établissements qui semblent identiques (même carte, prix et décor). Et si vous constatez que l’un est vide et des clients se pressent devant l’autre, lequel choisissez-vous ? La plupart d’entre nous opterait sans hésiter pour le restaurant où des clients sont déjà présents. Après tout, cela vous semble être un bon indicateur de fiabilité. Mais la réalité, c’est que vous n’en avez aucune idée.
Que nous le voulions ou non, nous sommes des animaux sociaux et la plupart des décisions de notre vie quotidienne sont influencées par les choix des autres. C’est une manière pour nous de nous décharger du stress de la prise de décision face à un choix qui ne va pas de soi si on prend la peine d’y réfléchir.
Nous acceptons plus volontiers le risque d’avoir tort ensemble, que de prendre le risque d’avoir raison tout seul.
Ainsi, lorsque nous disposons d’informations limitées pour prendre une décision, et si la situation et les enjeux nous paraissent importants, nous auront très certainement tendance à imiter nos congénères. Le plus surprenant est que cela demeure vrai, même si leurs propres décisions nous paraissent peu fondées rationnellement. Dit autrement, nous acceptons plus volontiers le risque d’avoir tort ensemble, que de prendre le risque d’avoir raison tout seul.
La finance comportementale explique cette situation par la tendance humaine naturelle à être influencée par des normes sociales qui nous poussent à vouloir faire partie d’une communauté où nous partageons des intérêts socio-culturels et économiques. En effet, on ne suit pas non plus n’importe quel groupe, mais bien celui auquel on peut s’identifier aisément.
Il y a fort à parier que le coup n’est plus gagnant si beaucoup de monde l’a déjà joué !
Plus spécifiquement en matière d’investissement, le mimétisme, le besoin de se conformer s’explique pour beaucoup d’individus par la peur de passer à côté d’un bon investissement, de rater le fameux coup gagnant du moment. Pourtant, il y a fort à parier que le coup n’est plus gagnant si beaucoup de monde l’a déjà joué. En effet, partant du principe que le prix d’un instrument se fixe à l’intersection de l’offre et la demande, c’est l’évolution de la demande à venir qui déterminera l’évolution du prix pour le futur. Imiter les autres, c’est toujours prendre le risque d’être un des derniers à acheter. Pas bon !
Un autre point intéressant est qu’il n’y a pas que le manque d’informations qui va pousser un investisseur à imiter le comportement des autres. La surabondance d’information nuit aussi à la rationalité décisionnelle. Avec la diversité de sources d’informations financière disponible aujourd’hui et face à l’afflux d’offres d’investissement en provenance de banques, courtiers en ligne ou autre Fintechs, il y a en effet de quoi être un peu submergé. Voire perdu. La plupart du temps, l’investisseur opère le tri en optant pour la solution qui lui semble la plus simple : investir dans le titre parce que « tout le monde l’achète en ce moment », sans procéder à aucune vérification ou considération économique. On se dit alors que, puisque tout le monde y va, cela ne peut pas être foncièrement une mauvaise décision.
Quand les moutons génèrent des bulles
Le comportement moutonnier comporte de vrais risques. En effet, l’instinct grégaire est un moteur important de bulles d’actifs sur les marchés financiers. Ainsi, l’exubérance irrationnelle qui a poussé les investisseurs à spéculer en masse sur des valeurs qui ne généraient encore aucun bénéfice a été à l’origine de l’explosion de la bulle Internet à la fin des années 1990.
De nos jours, il faut notamment prêter attention au phénomène qui se produit autour des cryptomonnaies, particulièrement du Bitcoin. Le prix Nobel d’Economie, Robert J. Schiller, explique ainsi que le Bitcoin a essentiellement acquis de la valeur sur la base de l’excitation des masses et de l’enthousiasme que cette monnaie virtuelle a généré. Pas convaincu ? Demandez à une de vos connaissances qui a investi dans les cryptomonnaies ses raisons pour y investir ? Selon Robert Schiller, il y’a de très fortes chances que cette personne ne puisse vous donner d’autres raisons que : « c’est la tendance actuelle ». Nous n’affirmons pas ici que les cryptomonnaies ou la blockchain n’ont pas d’avenir, mais bien qu’un comportement de mimétisme a généré des évolutions de cours totalement folles, notamment au dernier trimestre 2017. Ceux qui se sont offerts du Bitcoin pour Noël 2017 ont vécu des lendemains de fêtes douloureux. Et cela n’a pour autant pas empêché le Bitcoin de franchir une première fois la barre des 20.000$ fin 2020.
Évitez d’investir sur base de narrations économiques aussi longtemps qu’il n’est pas possible d’en connaître les fondements économiques.
Vous ne vous sentez pas concernés par ses investissements à la mode et préférez une valeur refuge comme l’or ? D’accord. Mais qu’est-ce qui vous pousse à investir dans l’or si ce n’est le fait que tout le monde voit l’or comme une valeur refuge ? D’une manière générale, Robert Schiller nous invite à nous méfier de ces histoires virales, de ces narrations économiques qui génèrent beaucoup de couverture médiatique ou un excès d’enthousiasme. Son conseil, ne pas investir sur base de narrations économiques aussi longtemps qu’il n’est pas possible d’en connaître les fondements économiques.
Rien ne vous interdit pour autant d’investir dans le Bitcoin ou l’or mais encore faut-il le faire de manière raisonnée et sur la base d’arguments solides. Quels sont vos arguments ?
Pour prendre vos décisions d’investissement, reposez-vous sur l’expertise d’un professionnel capable de vous fournir des informations financières objectives et dépassionnées au lieu de suivre aveuglément la masse. Et exigez qu’il vous explique les fondements économiques justifiant ses propositions.
En matière d’investissement, n’oubliez jamais que ce n’est pas toujours la majorité qui l’emporte.