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28 mars 2024

La succession dans les familles recomposées

Si organiser sa succession est déjà un vrai casse-tête, cela se complique encore avec une famille recomposée. Entre conjoint(e), enfants et beaux-enfants, les règles de transmission sont propres à chaque cas et les préoccupations varient d’un foyer à l’autre. myLIFE partage quelques pistes afin de protéger au mieux les intérêts de chacun.

Appartenir à une famille recomposée n’a plus rien d’exceptionnel. Connaît-on pour autant les effets induits par la composition familiale sur son patrimoine en cas de décès ? Comment protéger le conjoint survivant, les enfants issus d’une première union ou encore ceux de la nouvelle famille ? Afin d’éviter les conflits, mieux vaut s’assurer que le partage prévu par la loi soit conforme à ses attentes et, le cas échéant, prendre des mesures afin de planifier sa succession de manière optimale.

Prenons le cas de Mathilde. Elle a divorcé de son premier conjoint et s’est remariée avec Raphaël. Elle a eu une fille de sa première union, puis deux garçons avec Raphaël, qui avait déjà un fils d’un mariage précédent. Elle aimerait savoir de quelle manière se déroulera le partage de son héritage si elle venait à décéder.

Que prévoit la loi pour le conjoint survivant ?

Si Mathilde ne prend aucune disposition particulière (testament ou convention matrimoniale), son patrimoine sera partagé entre les membres de sa famille proche selon les règles de la dévolution successorale légale. La loi déterminera qui sont ses bénéficiaires et quelle part de la succession reviendra à chacun selon son statut au moment du décès (marié ou non, avec ou sans enfants…).

Dans la mesure où Mathilde est mariée et qu’elle a des enfants, son conjoint survivant pourra choisir entre hériter d’une part d’enfant, c’est-à-dire d’un quart de la succession au minimum, en pleine propriété ou alors bénéficier de la totalité de l’usufruit du logement familial et du mobilier le garnissant (à condition que l’habitation appartienne à Mathilde en totalité ou conjointement avec son époux).

Attention : L’attribution de l’usufruit au conjoint survivant et de la nue-propriété aux enfants peut entraîner des conflits, notamment lorsque enfants et beaux-parents ne s’entendent pas, ou si le conjoint survivant est beaucoup plus jeune que le défunt ou la défunte.

→ Bon à savoir : si le conjoint survivant a opté pour l’usufruit sur l’habitation principale et qu’il se remarie, les enfants qu’il a eu avec la personne prédécédée peuvent demander que cet usufruit soit levé et transformé en capital.

Si Mathilde avait conclu un partenariat ou vivait en concubinage avec Raphaël, ce dernier ne serait pas considéré comme héritier légal. Seuls les enfants du couple et ceux qui sont nés de la précédente union de Mathilde pourraient bénéficier de l’héritage.

Enfin, si Mathilde s’était remariée, mais n’avait eu aucun enfant, à son décès, Raphaël aurait touché l’intégralité de sa succession en pleine propriété.

Au Luxembourg, il est possible de revoir la répartition prévue par la loi, afin d’accorder davantage de droits au conjoint survivant ou, à l’inverse, de les limiter.

Comment optimiser les règles de partage pour le conjoint ?

Au Luxembourg, il est possible de revoir la répartition prévue par la loi, afin d’accorder davantage de droits au conjoint survivant ou, à l’inverse, de les limiter.

Le contrat de mariage

Le régime matrimonial influence la composition de l’héritage et peut être un outil de planification successorale. Selon le régime choisi et en fonction de la présence ou non d’enfant(s), il est possible d’intégrer certaines clauses afin d’avantager le conjoint survivant. Il est possible de prévoir, par exemple, de lui attribuer un bien commun en partie ou en totalité.

Le testament

Le partage prévu par la loi peut également être modifié par un testament, à condition de respecter les limites de la quotité disponible (c’est-à-dire la partie du patrimoine que le défunt peut librement transmettre), s’il y a un ou plusieurs enfants. Mathilde peut ainsi, accorder la pleine propriété de la quotité disponible de ses biens et l’usufruit sur la part réservée à Raphaël.

C’est aussi un moyen de transmettre une part de sa succession à un partenaire ou à un concubin qui n’y aurait pas droit autrement.

Les droits de succession à payer sont compris entre 0% et 48% de la portion d’héritage perçu. Ils varient selon le lien de parenté et la valeur des biens du patrimoine. Cependant, la contribution est plus faible si l’héritage se fait au bénéfice du conjoint, des enfants ou d’un membre de la famille.

Bon à savoir : hors mariage, des droits de succession doivent être payés par le compagnon survivant, sauf s’il s’agit d’un partenariat enregistré depuis plus de trois ans.

Au Luxembourg, le conjoint n’est pas réservataire, il est ainsi possible de l’exclure de la succession par voie testamentaire. Cela pourrait être le cas si Mathilde souhaitait, par exemple, que ses enfants bénéficient d’une part d’héritage plus importante.

La donation

Une autre solution pour protéger davantage le conjoint survivant consiste à lui faire un don de son vivant. Les donations peuvent concerner les biens immeubles, meubles ou encore les droits de nue-propriété ou d’usufruit.

Au Grand-Duché, si les dons doivent être constatés par acte notarié, la loi permet d’en effectuer certains sans enregistrement (objets de valeur, actifs financiers, argent liquide, etc.). Ces dons manuels ou indirects (de compte à compte) doivent respecter les règles de la réserve héréditaire et sont exonérés de droits, à condition que le donateur survive un an à sa donation.

En revanche, si le don est enregistré (biens mobiliers ou immobiliers), celui qui le reçoit devra payer des droits : droits d’enregistrements (variant de 1,8 % à 14,4 % de la valeur du don selon le lien de parenté), frais de notaire ou frais de transcription (pour les biens immobiliers). Cependant, la somme à payer est inférieure aux droits à acquitter lors d’une succession.

Au Luxembourg, la réserve héréditaire empêche de déshériter complètement un enfant en définissant la part minimum de la succession qui doit lui revenir au décès de ses parents.

Que prévoit la loi pour les enfants ?

Au Luxembourg, la réserve héréditaire empêche de déshériter complètement un enfant en définissant la part minimum de la succession qui doit lui revenir au décès de ses parents.

Même si Mathilde a prévu de donner plus de droits à son conjoint, la part réservée à ses enfants ne pourra pas être inférieure aux minimums prévus par la loi : au moins 50% de la masse successorale pour un enfant, 67% lorsqu’il y a deux enfants et 75% s’il y a trois enfants ou plus.

Dans le cadre d’une famille recomposée, seuls les enfants biologiques (légitimes, naturels et adultérins) ou adoptifs héritent et ils se partagent les biens à parts égales (sous réserve de la portion prévue pour le conjoint survivant).

En revanche, les beaux-enfants, c’est-à-dire les enfants que le conjoint survivant a eus lors d’une relation précédente, n’ont aucun droit sur le patrimoine transmis. Ainsi, le fils que Raphaël a eu avec sa première épouse, n’héritera d’aucun bien, même s’il était proche de Mathilde.

→ Bon à savoir : lorsque le conjoint survivant décède à son tour, la part qu’il a perçue du conjoint prédécédé ne sera transmise qu’à ses propres enfants et à leurs enfants communs. Ses beaux-enfants sont exclus du partage.

Comment optimiser les règles de partage pour les enfants ?

Tout en respectant la réserve héréditaire, il est possible de modifier le partage prévu par la loi, afin d’élargir les droits de certains enfants ou encore de traiter de manière plus équitable les beaux-enfants.

Mathilde peut, si elle le souhaite, privilégier ses enfants, ou certains d’entre eux, en leur faisant bénéficier d’une portion de l’héritage plus importante que celle prévue par la loi ou encore octroyer un part de sa succession à son beau-fils. Pour cela, elle peut répartir la quotité disponible par voie testamentaire ou faire un don de son vivant. Il y aura cependant des droits de succession à régler et, selon la nature de la donation, des frais à prévoir.

Enfin, si elle veut que son beau-fils soit traité comme ses propres descendants, elle peut également l’adopter. Il bénéficiera alors des mêmes droits successoraux que ses propres enfants et le patrimoine transmis sera partagé entre eux tous.

→ Bon à savoir : dans le cadre d’une adoption simple (qui ne supprime pas les liens avec la famille d’origine), les beaux-enfants ont des droits de succession à payer, contrairement à l’adoption plénière.

La planification successorale nécessite un bilan précis de sa situation patrimoniale et de ses objectifs. Pour vous aider dans cet exercice complexe, n’hésitez pas à contacter un expert en la matière : notaire, avocat, gestionnaire patrimonial ou conseiller bancaire. Ils pourront vous accompagner au mieux afin de préserver vos intérêts, mais aussi ceux des proches que vous souhaitez protéger, notamment dans le cas d’une famille recomposée.

Enfin, n’oubliez pas de parler de votre succession avec vos proches. Même si la démarche peut se révéler délicate, elle permet d’éviter les incompréhensions et les conflits futurs.

Cet article traite des successions au Luxembourg (résidents et biens situés au Grand-Duché). Pour les transmissions transfrontalières, d’autres variables entrent en ligne de compte.

Cet article fait partie du dossier Dossier « Succession »

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