Mieux comprendre l’immobilier, cette pierre angulaire de votre patrimoine
L’immobilier constitue généralement, avec les droits à la retraite, la principale composante de la fortune d’un particulier. Il est dès lors judicieux de réfléchir aux différentes manières de détenir un bien et de le transmettre aux générations futures. C’est particulièrement le cas au Luxembourg, où, avec l’envolée des prix de l’immobilier résidentiel ces vingt dernières années, l’immobilier occupe une place de plus en plus importante dans la gestion et la planification financières des particuliers et familles.
La demande en biens immobiliers résidentiels au Luxembourg est restée robuste pendant près de deux décennies, jusqu’en 2022, alimentée par la forte croissance économique et la dynamique démographique de ce pays où près de la moitié de la main-d’œuvre fait le trajet tous les jours (ou, depuis 2020, télétravaille) depuis les pays limitrophes que sont la France, la Belgique et l’Allemagne.
La hausse de l’inflation dans le sillage de la pandémie et l’augmentation des taux d’intérêt qui en a résulté ont mis un frein à la demande de biens immobiliers et à la hausse des prix, bien qu’il soit difficile de dire combien de temps cette situation perdurera. Cette tendance a fait suite à plusieurs mises en garde de divers organismes, allant de la Banque centrale du Luxembourg au Fonds monétaire international, selon lesquels les prix de l’immobilier résidentiel étaient surévalués et l’accessibilité au logement s’amenuisait, même pour les salaires relativement élevés.
Selon l’Observatoire de l’habitat du ministère du Logement luxembourgeois, le prix moyen par mètre carré des appartements existants est passé de 3.450€ au premier trimestre 2007 à 7.904€ en mars 2024 (bien qu’il ait grimpé jusqu’à 8.474€ un an plus tôt). Les appartements sur plan, quant à eux, ont vu leur prix par mètre carré passer de 3.805€ en moyenne en 2007 à 10.169€ en 2024. Les chiffres concernant les maisons sont moins précis, mais le prix moyen affiché dans le pays pour ce type de biens se montait à 8.670€ par mètre carré au deuxième trimestre 2024, selon l’agence immobilière Immotop.
Différents types de propriété
Il existe plusieurs types de propriété au Luxembourg, bien que la plupart des propriétaires immobiliers jouissent de la pleine propriété de leur bien. Cela signifie qu’ils sont en droit de l’utiliser (usus), d’en tirer des revenus (fructus) et d’en disposer comme ils l’entendent (abusus), en ce compris de le détruire, sous réserve des restrictions juridiques et des règles en matière de permis de démolition et de nuisance vis-à-vis des constructions voisines et de leurs occupants.
L’usufruit confère le droit de se servir d’un bien immobilier appartenant à quelqu’un d’autre (le nu-propriétaire). L’usufruitier peut utiliser le bien (usus) et percevoir des revenus issus de ce dernier (fructus), mais n’est pas en droit de l’altérer de manière significative (abusus).
La nue-propriété est l’opposé de l’usufruit. Le nu-propriétaire est en droit de disposer du bien comme il l’entend (abusus), mais pas de l’utiliser (usus) ni d’en tirer des revenus (fructus). Il ne récupère généralement la pleine propriété du bien qu’à la mort de l’usufruitier. Ce système est courant en cas de remariage, car il permet au propriétaire de transmettre, après son décès, la nue-propriété du bien à ses enfants du premier lit et l’usufruit à son second conjoint, s’assurant ainsi que ses enfants bénéficieront de la pleine propriété à la mort de ce dernier. En revanche, s’il transmet directement la pleine propriété de son bien au second conjoint, celui-ci pourra en disposer comme il l’entend, excluant potentiellement les enfants des mariages précédents.
Les taxes foncières étant relativement peu élevées au Grand-Duché, il n’est guère avantageux de détenir un bien immobilier par le biais d’une entreprise. En outre, ce type de propriété n’est plus synonyme d’anonymat à la suite du durcissement des règles sur la divulgation de la propriété effective approuvé il y a quelques années. Cependant, la création d’une société civile immobilière (SCI) peut s’avérer judicieuse dans le cadre de l’achat d’un bien à des fins de location ou d’investissement. Les SCI, qui peuvent être constituées devant notaire (sans obligation), sont transparentes d’un point de vue fiscal, ce qui signifie que les revenus locatifs en découlant sont repris dans la déclaration fiscale personnelle des associés.
Elles sont généralement utilisées pour leur côté pratique, dès lors qu’elles permettent de regrouper des biens immobiliers et de les gérer par l’intermédiaire d’une entité juridique unique et qu’elles facilitent l’indivision en cas d’héritiers multiples.
Citons par ailleurs l’emphytéose, qui désigne un type de bail immobilier de longue durée (entre 27 et 99 ans), ainsi que le droit de superficie, qui permet de posséder un bien immobilier sur un terrain appartenant à quelqu’un d’autre (pour une durée maximum de 99 ans également).
Bien que l’impôt foncier ne soit pas excessif au Luxembourg, des frais s’appliquent au transfert de propriété, à l’instar du droit d’enregistrement.
Impôt sur le transfert et les plus-values
Bien que l’impôt foncier ne soit pas excessif au Luxembourg, des frais s’appliquent au transfert de propriété, à l’instar du droit d’enregistrement. Celui-ci représente l’une des charges les plus lourdes pour l’acheteur et s’élève à 6% de la valeur du bien, majorée d’un droit de transcription de 1%. Il est possible de bénéficier d’un crédit d’impôt à concurrence de 40.000€ par personne, ou 20.000€ pour les appartements sur plan. Cette taxe est également réduite si vous occupez le bien pour une durée d’au moins cinq ans.
Différentes mesures ont en outre été mises en œuvre afin de lutter contre le « flipping » (achat puis revente rapide d’un bien immobilier afin de réaliser un bénéfice), dans une tentative visant à empêcher une surchauffe du marché luxembourgeois. Un impôt sur les plus-values s’applique à la vente d’un bien immobilier dans les deux ans suivant son acquisition, une période qui sera portée à cinq ans à partir de 2025. Un précompte immobilier annuel s’applique par ailleurs à l’échelle locale et varie en fonction des municipalités.
En 2021, une loi est entrée en vigueur qui impose un prélèvement immobilier de 20% sur les revenus locatifs et les plus-values issus d’un investissement immobilier effectué par le biais de fonds d’investissement spécialisés, de fonds d’investissement alternatifs réservés et d’autres types de fonds de placement collectif. Elle vise à empêcher les investisseurs en biens immobiliers de recourir à une structure de fonds dans le but de limiter leur taux d’imposition à la taxe d’abonnement annuelle due au titre du fonds (0,05% maximum de ses actifs nets).
Les autorités luxembourgeoises locales ont le droit de prélever une taxe annuelle spécifique d’inoccupation ou de non-affectation d’immeubles ainsi qu’un impôt sur les terrains disponibles à la construction, afin d’inciter les propriétaires à vendre leurs logements inutilisés ou à les mettre à disposition sur le marché locatif, ainsi qu’à construire des immeubles d’habitation sur leurs parcelles de terrains.
Propriété et succession
Dans la mesure où les biens immobiliers représentent souvent la composante principale d’un patrimoine personnel, ils sont particulièrement susceptibles d’être à l’origine de conflits entre les héritiers. Les propriétaires seraient donc bien avisés d’étudier les différentes options en matière de transmission immobilière en vue d’éviter de tels désaccords et de minimiser la charge fiscale. Outre la vente, il existe deux manières de transmettre des biens immobiliers: la succession ou la donation.
Dans la mesure où les biens immobiliers représentent souvent la composante principale d’un patrimoine personnel, ils sont particulièrement susceptibles d’être à l’origine de conflits entre les héritiers.
La succession correspond à un bien transmis aux héritiers après la mort de son propriétaire, tandis que, dans le cas d’une donation, le bien est transmis du vivant de son propriétaire. Si aucune planification successorale n’a été opérée, les biens immobiliers sont hérités en indivision. Chaque héritier récupère ainsi une quote-part proportionnelle des biens, ce qui peut entraîner des complications. Des règles strictes régissent la question de savoir quel héritier peut déclencher la vente d’un bien dans de telles circonstances.
La première solution consiste à faire en sorte qu’une personne hérite seule du bien par le biais d’un testament, bien que cela puisse aller à l’encontre des règles prévoyant une réserve héréditaire, en vertu desquelles chaque enfant doit recevoir une part minimum de la succession; il en va de même pour les donations. Une donation avec réserve d’usufruit peut permettre au propriétaire de transmettre son bien tout en continuant de l’occuper, mais ne règle pas nécessairement les problèmes liés à l’indivision.
Éviter une propriété fragmentée
Lorsque les biens immobiliers seraient autrement répartis entre plusieurs participations propriétaires individuelles, il peut s’avérer judicieux de créer une SCI, dans le cadre de laquelle les héritiers récupéreront non pas des portions de biens immobiliers, mais des parts de la société. Un gérant peut être nommé afin de faciliter la gestion du patrimoine, ce qui devrait par ailleurs limiter l’influence des héritiers individuels.
La vente d’un bien immobilier hérité est soumise à l’impôt sur les plus-values. Les parents proches bénéficient cela dit d’un abattement de 75.000€ sur la résidence principale. Il peut être plus avantageux de réaliser la vente d’un bien du vivant de son propriétaire, étant entendu que cela soit possible. Les situations transfrontalières sont plus épineuses dès lors que les conventions de double imposition signées par le Luxembourg ne couvrent pas l’héritage. Il est vivement recommandé de se tourner vers un conseiller professionnel en vue de limiter le risque que l’héritage ne soit doublement imposé.
Malgré leur valeur élevée, les biens immobiliers au Grand-Duché sont susceptibles de se déprécier s’ils sont laissés à l’abandon alors que les héritiers se disputent leur répartition. Le propriétaire optera pour une structure de propriété et un mode de transmission aux héritiers les plus efficaces possibles s’il veut pérenniser la valeur de son bien après son décès.