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8 mai 2024

Mieux comprendre l’immobilier, cette pierre angulaire de votre patrimoine

L’immobilier constitue généralement, avec les droits à la retraite, la principale composante de la fortune d’un particulier. Il est dès lors judicieux de réfléchir aux différentes manières de détenir un bien et de le transmettre aux générations futures. C’est particulièrement le cas au Luxembourg, où avec l’envolée des prix de l’immobilier résidentiel ces vingt dernières années, l’immobilier occupe une place de plus en plus importante dans la gestion et la planification financières des particuliers et familles.

La demande en biens immobiliers résidentiels au Luxembourg est restée robuste pendant près de deux décennies, jusqu’en 2022, alimentée par la forte croissance économique et la dynamique démographique de ce pays où près de la moitié de la main-d’œuvre fait le trajet tous les jours (ou télétravaille, comme cela a été la norme ces dernières années) depuis les pays limitrophes.

La hausse de l’inflation dans le sillage de la pandémie et l’augmentation des taux d’intérêt qui en a résulté ont mis un frein à la demande et à la hausse des prix. Il est toujours difficile de savoir combien de temps cette situation perdurera, et ce malgré plusieurs mises en garde de divers organismes, allant de la Banque centrale du Luxembourg au Fonds monétaire international, selon lesquelles les prix immobiliers étaient surévalués et l’accessibilité au logement s’amenuisait, même pour les salaires relativement élevés.

Selon l’Observatoire de l’habitat du Ministère du Logement luxembourgeois, le prix moyen d’un appartement existant est passé de 271.868€ (soit 3.450€ par mètre carré) au premier trimestre 2007 à 666.292€ (soit 8.474€ par mètre carré) pour la même période en 2023. Les appartements sur plan, quant à eux, ont vu leur prix augmenter de 315.441€ en moyenne (soit 3.805€ par mètre carré) à 802.891€ (soit 9.465€ par mètre carré). Les chiffres concernant les maisons sont moins précis, mais le prix moyen affiché dans le pays pour ce type de biens se montait à 1.388.411€ (soit 7.000€ par mètre carré) fin 2022.

Différents types de propriété

Il existe plusieurs types de propriété au Luxembourg, bien que la plupart des propriétaires immobiliers jouissent de la pleine propriété de leur bien. Cela signifie qu’ils sont en droit de l’utiliser (usus), d’en tirer des revenus (fructus) et d’en disposer comme ils l’entendent (abusus), en ce compris de le détruire, sous réserve des restrictions juridiques et des règles en matière de permis de démolition et de nuisance vis-à-vis des constructions voisines et de leurs occupants.

L’usufruit confère le droit de se servir d’un bien immobilier appartenant à quelqu’un d’autre (le nu-propriétaire). L’usufruitier peut utiliser le bien (usus) et percevoir des revenus issus de ce dernier (fructus), mais n’est pas en droit de l’altérer de manière significative (abusus).

La nue-propriété est l’opposé de l’usufruit. Le nu-propriétaire est en droit de disposer du bien comme il l’entend (abusus), mais pas de l’utiliser (usus) ni d’en tirer des revenus (fructus). Il ne récupère généralement la pleine propriété du bien qu’à la mort de l’usufruitier. Ce système est courant en cas de remariage, car il permet au propriétaire de transmettre, après son décès, la nue-propriété du bien à ses enfants du premier lit et l’usufruit à son second conjoint, s’assurant ainsi que ses enfants bénéficieront de la pleine propriété à la mort de ce dernier. En revanche, s’il transmet directement la pleine propriété de son bien au second conjoint, celui-ci pourra en disposer comme il l’entend, excluant potentiellement les enfants des mariages précédents.

Les taxes foncières étant relativement peu élevées au Grand-Duché, il n’est guère avantageux de détenir un bien immobilier par le biais d’une entreprise. En outre, ce type de propriété n’est plus synonyme d’anonymat à la suite du durcissement des règles sur la divulgation de la propriété effective approuvé il y a quelques années. Cependant, la création d’une société civile immobilière (SCI) peut s’avérer judicieuse dans le cadre de l’achat d’un bien à des fins de location ou d’investissement. Les SCI, qui peuvent être constituées devant notaire (sans obligation), sont transparentes d’un point de vue fiscal, ce qui signifie que les revenus locatifs en découlant sont repris dans la déclaration fiscale personnelle des associés. Elles sont généralement utilisées pour leur côté pratique, dès lors qu’elles permettent de regrouper des biens immobiliers et de les gérer par l’intermédiaire d’une entité juridique unique et qu’elles facilitent l’indivision en cas d’héritiers multiples.

Citons par ailleurs l’emphytéose, qui désigne un type de bail immobilier de longue durée (entre 27 et 99 ans), ainsi que le droit de superficie, qui permet de posséder un bien immobilier sur un terrain appartenant à quelqu’un d’autre (pour une durée maximum de 99 ans également).

Bien que l’impôt foncier ne soit pas excessif au Luxembourg, des frais s’appliquent au transfert de propriété, à l’instar du droit d’enregistrement.

Impôt sur le transfert et les plus-values

Bien que l’impôt foncier ne soit pas excessif au Luxembourg, des frais s’appliquent au transfert de propriété, à l’instar du droit d’enregistrement. Celui-ci représente l’une des charges les plus lourdes pour l’acheteur et s’élève à 6% de la valeur du bien, majorée d’un droit de transcription de 1%. Il est possible de bénéficier d’un crédit d’impôt à concurrence de 20.000€ par personne, pour un bien d’une valeur de 335.000€. Cette taxe est également réduite si vous occupez le bien pour une durée d’au moins cinq ans.

Différentes mesures ont en outre été mises en œuvre afin de lutter contre le « flipping » (achat puis revente rapide d’un bien immobilier afin de réaliser un bénéfice), dans l’optique de freiner la surchauffe du marché luxembourgeois. Un impôt sur les plus-values s’applique à la vente d’un bien immobilier dans les deux ans suivant son acquisition et est ensuite réduit de moitié. Un précompte immobilier annuel s’applique par ailleurs à l’échelle locale et varie en fonction des municipalités.

En 2021, une loi est entrée en vigueur qui impose un prélèvement immobilier de 20% sur les revenus locatifs et les plus-values issus d’un investissement immobilier effectué par le biais de fonds d’investissement spécialisés, de fonds d’investissement alternatifs réservés et d’autres types de fonds de placement collectif. Elle vise à empêcher les investisseurs en biens immobiliers de recourir à une structure de fonds dans le but de limiter leur taux d’imposition à la taxe d’abonnement annuelle due au titre du fonds (0,05% maximum de ses actifs nets).

Les autorités luxembourgeoises locales ont le droit de prélever une taxe annuelle spécifique d’inoccupation ou de non-affectation à la construction d’immeubles ainsi qu’un impôt sur les terrains disponibles à la construction, afin d’inciter les propriétaires à vendre leurs logements inutilisés ou à les mettre à disposition sur le marché locatif, ainsi qu’à construire des immeubles d’habitation sur leurs parcelles de terrains. Le gouvernement a par ailleurs introduit un projet de loi qui réformerait le système d’impôt foncier actuel du pays en créant un impôt à la mobilisation de terrains et un impôt sur la non-occupation de logements. À la fin du premier semestre 2023, ce projet n’a toutefois pas encore été accepté par le Parlement.

Propriété et succession

Dans la mesure où les biens immobiliers représentent souvent la composante principale d’un patrimoine personnel, ils sont particulièrement susceptibles d’être à l’origine de conflits entre les héritiers. Les propriétaires seraient donc bien avisés d’étudier les différentes options en matière de transmission immobilière en vue d’éviter de tels désaccords et de minimiser la charge fiscale. Outre la vente, il existe deux manières de transmettre des biens immobiliers: la succession ou la donation.

 

Dans la mesure où les biens immobiliers représentent souvent la composante principale d’un patrimoine personnel, ils sont particulièrement susceptibles d’être à l’origine de conflits entre les héritiers.

La succession correspond à un bien transmis aux héritiers après la mort de son propriétaire, tandis que, dans le cas d’une donation, le bien est transmis du vivant de son propriétaire. Si aucune planification successorale n’a été opérée, les biens immobiliers sont hérités en indivision. Chaque héritier récupère ainsi une quote-part proportionnelle des biens, ce qui peut entraîner des complications. Des règles strictes régissent la question de savoir quel héritier peut déclencher la vente d’un bien dans de telles circonstances.

La première solution consiste à faire en sorte qu’une personne hérite seule du bien par le biais d’un testament, bien que cela puisse aller à l’encontre des règles prévoyant une réserve héréditaire, en vertu desquelles chaque enfant doit recevoir une part minimum de la succession; il en va de même pour les donations. Une donation avec réserve d’usufruit peut permettre au propriétaire de transmettre son bien tout en continuant de l’occuper, mais ne règle pas nécessairement la question de l’indivision.

Éviter une propriété fragmentée

Lorsque les biens immobiliers seraient autrement répartis entre plusieurs participations propriétaires individuelles, il peut s’avérer judicieux de créer une SCI, dans le cadre de laquelle les héritiers récupéreront non pas des portions de biens immobiliers, mais des parts de la société. Un gérant peut être nommé afin de faciliter la gestion du patrimoine et de limiter l’influence des héritiers.

La vente d’un bien immobilier hérité est soumise à l’impôt sur les plus-values. Les parents proches bénéficient cela dit d’un abattement de 75.000€ sur la résidence principale. Dans certains cas, il peut être plus avantageux de réaliser la vente d’un bien du vivant de son propriétaire. Les situations transfrontalières sont plus épineuses dès lors que les conventions de double imposition signées par le Luxembourg ne couvrent pas l’héritage. Il est vivement recommandé de se tourner vers un conseiller professionnel en vue de limiter le risque que l’héritage ne soit doublement imposé.

Malgré leur valeur élevée, les biens immobiliers au Grand-Duché sont susceptibles de se déprécier s’ils sont laissés à l’abandon alors que les héritiers se disputent leur répartition. Le propriétaire optera pour une structure de propriété et un mode de transmission aux héritiers les plus efficaces possibles s’il veut pérenniser la valeur de son bien après son décès.