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17 mai 2024

Petit glossaire de finance comportementale

À l’aide de plusieurs disciplines dont la psychologie, la finance comportementale tente de mettre en évidence nos comportements irrationnels en matière d’investissement, d’argent et de budget. Pour vous aider à prendre des décisions financières plus raisonnées et raisonnables, il nous a semblé utile de constituer pour vous une boîte à outils qui en reprend les concepts essentiels. À utiliser sans modération.

Qu’est-ce que la finance comportementale ?

Contrairement à la théorie économique classique, la finance comportementale part du principe que les individus ont une rationalité limitée. En effet, elle affirme que nous ne sommes pas des individus totalement rationnels, capables d’évaluer objectivement tous les éléments en jeu avant de prendre la décision dans notre meilleur intérêt.

La finance comportementale prend ainsi en compte l’influence de la psychologie sur le comportement des investisseurs ou des analystes financiers. Cela lui permet d’expliquer des erreurs de jugement en matière de décisions financières ou des anomalies de marché au travers d’un grille de lecture permettant à chacun de mieux connaître ses défauts, émotions et biais cognitifs. But affiché : aider l’individu à adopter un comportement financier plus rationnel et plus bénéfique pour son porte-monnaie.

Les quatre perturbateurs qui peuvent tout gâcher

La finance comportementale regroupe en quatre catégories les concepts qui peuvent nous induire en erreur dans notre prise de décisions.

  • Les biais cognitifs. Sorte d’illusion mentale, le biais cognitif se présente souvent sous la forme d’un schéma de pensée trompeur et faussement logique qui intervient spontanément lorsque nous devons prendre une décision. Les biais cognitifs influencent nos choix, en particulier lorsqu’il faut gérer une quantité d’informations importante ou que le temps est limité. De telles situations peuvent générer un dysfonctionnement dans le raisonnement qui ressemble parfois à une intuition, mais dont il convient de se méfier.
  • La simplification heuristique. Une heuristique est un raccourci mental qui permet aux gens de résoudre des problèmes et de porter des jugements rapidement et, en apparence, de manière efficace. Ces stratégies raccourcissent le temps de la prise de décision par l’association d’éléments d’informations familiers présents dans notre mémoire et notre environnement. Si les heuristiques sont utiles dans de nombreuses situations, elles peuvent également entraîner des biais cognitifs. Délaisser l’analyse objective risque toujours de favoriser des erreurs de traitement de l’information.
  • Les émotions. Des émotions intenses telles que la peur ou l’enthousiasme ont tendance à prendre le pas sur notre raisonnement objectif et peuvent être très mauvaises conseillères en matière d’investissement. C’est surtout vrai lorsqu’elles favorisent une sur-réactivité et une certaine impulsivité dans la prise de décision.
  • La norme sociale. Nous sommes des animaux sociaux qui n’aiment généralement pas fonctionner à contre-courant. S’il paraît justifié de s’inspirer de ce que font nos congénères, avoir une confiance aveugle en l’instinct de troupeau peut nous induire en erreur.

Il est difficile de connaître tous les facteurs qui influencent notre prise de décision financière. Et savoir les identifier ne garantit nullement de ne pas être la victime. C’est pourquoi, avant de vous présenter quelques concepts essentiels de la finance comportementale, insistons sur l’utilité de vous appuyer sur le savoir-faire et l’objectivité d’un expert financier pour vous aider dans vos prises de décision.

L’aversion à la perte est sans conteste le plus important moteur de la prise de décision humaine.

Aversion à la perte

L’aversion à la perte est sans conteste le plus important moteur de la prise de décision humaine. Nous l’avons hérité de nos ancêtres dont la survie dépendait de leur capacité à ne rien gaspiller de leurs ressources limitées. La partie la plus primitive de notre cerveau a conservé cet instinct et l’a transposé dans la vie moderne. Ainsi, nous adoptons un comportement différent face au risque selon que nous l’envisageons comme un gain ou une perte. De recherches ont mis en évidence que la douleur ressentie par les investisseurs lors d’une perte est plus de deux fois supérieure au plaisir de réaliser un profit dans des proportions comparables. Perdre 100€ nous touche deux fois plus que d’en gagner autant.

En matière d’investissement, cela peut se traduire par le fait de continuer à conserver une action même si celle-ci continue à perdre de sa valeur. Pourquoi ? Parce que tant que la perte n’est pas actée ou réelle, le cerveau a l‘illusion qu’il ne perd rien et donc retarde une forme de souffrance. Paradoxalement, l’aversion à la perte peut ainsi nous amener à prendre davantage de risques sur le long terme que ce que l’on souhaitait vraiment.

Biais de confirmation

Le biais de confirmation est la tendance à accorder plus d’importance aux informations qui confirment nos croyances et à ignorer celles qui les contredisent. Plutôt que de confronter notre opinion à des faits contraires, nous préférons les éléments qui la valident car il en découle un certain sentiment de confort et de valorisation personnelle. Ce biais alimente ainsi nos préjugés, ce qui limite notre capacité à prendre des décisions d’investissement rationnelles.

Vous pourriez ainsi tellement vouloir avoir raison sur la manière de placer vos économies que, inconsciemment, vous ne considérez que les informations confirmant votre pensée afin de vous construire une histoire simple que votre cerveau assimilera sans souci. Résultat, vous substituez à la réalité complexe de l’investissement une illusion mentale totalement biaisée qui vous conforte dans vos choix. À éviter absolument.

Biais d’excès confiance

Le biais d’excès de confiance est la tendance à surestimer ses capacités. Cela peut amener un individu à penser qu’il est un bien meilleur conducteur que la moyenne malgré ses petits travers comme la lecture de ses SMS en conduisant.

Dans le domaine des investissements, le biais d’excès de confiance conduit souvent les gens à surestimer leur compréhension des marchés financiers ou de certains placements, sans tenir compte des données fournies par les experts. L’excès de confiance peut ainsi vous conduire à surestimer votre tolérance au risque et à adopter des stratégies d’investissement qui ne correspondent pas vraiment à votre profil d’investisseur.

Biais de statu quo

Le biais du statu quo décrit notre préférence au maintien de l’état actuel des choses. Il se traduit par une certaine résistance au changement. Le biais de statu quo est confortable car il facilite la prise de décision, en particulier lorsque nous ne savons pas quoi faire ou que nous nous sentons dépassés par le nombre d’options qui nous sont présentées.

Les politiques publiques et certaines marques commerciales l’ont bien compris en fixant des choix par défaut, par exemple avec ce qui est compris d’office dans un abonnement pour un service. Il faut toujours être attentif à ces options par défaut, y compris dans le domaine de l’investissement. Faire l’effort cognitif de considérer, voire d’opter pour le changement, c’est se donner les moyens de faire des choix qui nous correspondent vraiment en matière de décision financière. Quitte à opter finalement pour le statu quo, mais en connaissance de cause cette fois.

Biais présent

En finance comportementale, le fait d’accorder trop d’importance à ce que nous percevons comme une nécessité immédiate se nomme le biais présent. Ce biais nous empêche de faire une évaluation claire et objective de nos véritables besoins à long terme et nous fait préférer ce qui apporte une satisfaction immédiate.

Sous son emprise, nous avons ainsi du mal à résister à la tentation de la consommation instantanée et privilégions donc les avantages financiers à court terme par rapport aux intentions d’épargne à long terme. Le biais présent est aussi à l’origine de la tendance à la procrastination et pousse certains à remettre toujours au lendemain ce qui peut être entrepris aujourd’hui.

Cet exercice mental viole le principe économique de base qui est celui du caractère fongible de l’argent selon lequel un euro est parfaitement substituable par un autre euro.

Comptabilité mentale

Le Prix Nobel d’Économie, Richard H. Thaler définit la comptabilité mentale comme « l’ensemble des opérations cognitives utilisées par les individus et les ménages pour organiser, évaluer et suivre leurs activités financières ».

En réalisant cet exercice de comptabilité mentale, chaque famille évalue régulièrement ses revenus, ses activités et crée des comptes mentaux bien étiquetés. Chaque compte se voit attribuer des fonds devant servir uniquement aux dépenses liées précisément à son intitulé. Sur le fond, réaliser un exercice de comptabilité mentale paraît tout à fait logique et sensé. Mais cet exercice mental viole un principe économique de base qui est celui du caractère fongible de l’argent, c’est-à-dire le principe selon lequel un euro est parfaitement substituable par un autre euro. Ainsi, si un ménage tient une comptabilité mentale avec des comptes trop strictement séparés, il s’enferme dans un système rigide composé de postes budgétaires non transférables et cette stratégie a un impact direct sur ses choix et sa qualité de vie.

Dissonance cognitive

Les dissonances cognitives sont les incohérences entre les croyances affirmées et les comportements individuels observés. Ce phénomène conduit à ce qu’on appelle un écart « attitude-comportement ». Concrètement, cela signifie que nous ne traduisons pas toujours en actes ce que nous avions pourtant l’intention de faire. C’est le cas par exemple lorsque nous décidons d’économiser plus d’argent sans toutefois y parvenir dans les faits, ou lorsque nous nous promettons de faire de l’exercice quotidiennement tout en demeurant sédentaires à ce jour.

Effet d’ancrage

L’effet d’ancrage décrit la manière dont les individus utilisent la première partie d’information qu’ils perçoivent comme point de référence psychologique afin de former leur jugement par rapport à la deuxième partie d’information fournie. En matière de prix, il existe ainsi un étrange phénomène nommé l’effet du chiffre de gauche.

L’effet du chiffre de gauche est lié à la manière dont notre cerveau convertit les symboles numériques en magnitude mentale, mais également au fait que nous lisons les chiffres de gauche à droite. Ainsi en comparant les prix 2,99 € et 3 €, notre cerveau se fixe d’abord sur le chiffre 2 et aura tendance à penser que le prix 2,99 € est beaucoup plus intéressant que 3 €. Pourquoi ? Parce que notre cerveau a encodé la magnitude 2 versus 3 avant même d’avoir lu la totalité des deux prix et évalué d’autres caractéristiques d’un objet ou entre deux objets aux prix proches.

FOMO (Fear of Missing out)

FOMO est une appréhension qui conduit à anticiper le regret que l’on pourrait ressentir en ne profitant pas d’une offre qui nous paraît immanquable. En période de soldes, les magasins inondent les réseaux sociaux et autres médias d’annonces promotionnelles. Cette saturation médiatique exerce une influence puissante sur nous en créant l’impression d’un événement social majeur caractérisé par des opportunités uniques. À nos yeux, il ne faut surtout pas passer à côté de ce rendez-vous présenté comme temporaire, voire éphémère à cause de stocks apparemment très limités. Cet effet de rareté accentue psychologiquement la valeur perçue du bien. Nous avons alors tendance à acheter davantage ou à acheter un bien dont nous n’avons pas besoin en ayant peur de manquer l’immanquable.

L’illusion des séries désigne la tendance à voir des signes du destin ou des coïncidences dans des données tirées au hasard.

Illusion de la loi des séries

L’illusion des séries désigne la tendance à voir des signes du destin ou des coïncidences dans des données dues au hasard. L’esprit humain a tendance à ignorer la variabilité des événements dans une série aléatoire. Ce phénomène s’observe notamment dans l’investissement à court terme. Réussir deux ou trois paris de suite ne signifie pas pour autant que la chance est avec vous, que vous avez une bonne main ou que vous êtes dans une bonne série. Ici, le risque est de se laisser griser et de réinvestir immédiatement de petits gains sur d’autres paris avec de plus gros volumes, simplement parce qu’on pense avoir du nez et avoir perçu une tendance. Pourtant, rien ne dit que l’événement va se reproduire et il faut savoir accepter que, parfois, la chance seule et l’aléatoire sont responsables du résultat. Attention, s’obstiner sans s’appuyer sur des preuves tangibles peut finir par coûter très cher.

Instinct grégaire et norme sociale

En finance comportementale, l’instinct grégaire fait référence à la tendance des investisseurs à suivre et à copier ce que font les autres investisseurs. En langage courant, c’est ce qu’on appelle le comportement mouton. L’instinct grégaire est très puissant, notamment sur les marchés financiers, et doit être considéré avec beaucoup de précaution. Il est fréquemment en cause dans la formation de bulles financières et a notamment donné lieu à l’explosion de la bulle Internet. Beaucoup d’investisseurs suivent aveuglément ce que font leurs congénères sans s’assurer de la solidité des fondamentaux économiques des entreprises dans lesquelles ils investissent. Si vous n’avez pas d’élément tangible sur lesquels baser vos choix financiers, méfiez-vous des effets de mode.

Narration économique/ biais narratif

Nous sommes tous programmés pour aimer les histoires. Pourquoi ? Tout simplement parce que nous avons besoin de savoir que les choses arrivent pour une raison, quitte à inventer cette raison. En règle générale, les histoires ont un contenu émotionnel qui les rendent plus faciles à retenir. Le problème est que, à partir de là, nous procédons inconsciemment à un tri sélectif interne et valorisons les informations qui confirment cette histoire plutôt que de considérer également les indices contraires avec sérieux.

Petit à petit, ces histoires que se racontent de multiples agents économiques s’agrègent et forment ce que le Prix Nobel d’Economie, Robert J. Schiller nomme des « narrations économiques » comme celle sur l’or. Selon lui, c’est parfois la narration qui crée la réalité sur les marchés et non l’inverse. Mais une réalité fragile car sans fondamentaux économiques solides. Par exemple, l’or est valorisé parce tout le monde le perçoit comme une valeur refuge. Mais que se passerait-il demain si plus personne ne croyait en sa valeur ? Elle s’effondrerait !

À l’aide de la finance comportementale, il est possible d’identifier les biais cognitifs susceptibles de fausser notre jugement lorsqu’il est question de prendre des décisions importantes en matière de finances et d’investissement. Un homme averti en valant deux, vous voilà à présent déjà moins seul pour opérer vos choix. Et si cela ne suffit pas, n’hésitez jamais à prendre conseil auprès d’experts reconnus.