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29 mars 2024

Placements alternatifs, une parade contre la volatilité financière?

Après avoir profité de conditions économiques et monétaires relativement favorables à la suite de la crise financière mondiale, qui ont particulièrement soutenu les placements en actions américaines, les investisseurs doivent désormais composer avec une inflation accrue et des marchés financiers en proie à des turbulences. Dans ce contexte, les placements alternatifs peuvent-ils les aider à faire face au regain de volatilité sur les marchés ?

Il y a une quinzaine d’années, les banques centrales à travers le monde ont orchestré une baisse spectaculaire des taux d’intérêt et procédé à un assouplissement quantitatif pour sortir l’économie mondiale du gouffre pendant la crise financière, avant de revenir à la charge en 2020 pour éviter que les restrictions mises en place afin de lutter contre la pandémie de Covid-19 ne fassent basculer l’économie mondiale dans une profonde contraction.

Depuis, le rebond économique a conduit les banques centrales à mettre fin à leurs achats d’actifs et fait grimper l’inflation à des niveaux inédits en 40 ans, induisant une hausse correspondante des taux d’intérêt. Hantés pendant des années par la menace d’une déflation à la japonaise, les opérateurs et les investisseurs sont désormais confrontés à des conditions inflationnistes sans précédent dans l’histoire récente. Dès lors que les marchés actions n’offrent plus aucune garantie de croissance du prix des actifs, les investisseurs devraient-ils envisager d’incorporer certains placements non traditionnels à leurs portefeuilles afin d’atténuer le risque de perte en cas de baisse et de rester en mesure de couvrir leurs rendements contre l’inflation ?

Fonds de rendement absolu

Les fonds de rendement absolu se sont mis en évidence au début des années 2000. Ils promettaient alors un rendement positif plutôt que de se limiter à tenter de surperformer leurs concurrents dans une classe d’actifs donnée (possiblement orientée à la baisse dans son ensemble). Néanmoins, ils n’ont pas toujours tenu leurs promesses, en particulier durant la « grande modération » des années 2010. Le concept de rendement absolu demeure difficile à définir et englobe souvent une gamme de stratégies d’investissement hétéroclites.

Certains fonds visent un rendement absolu positif tous les ans, d’autres sur une période glissante, généralement de trois ans.

Ces fonds peuvent investir dans les actions, les obligations ou d’autres placements tels que les devises. Quelques-unes des stratégies les plus performantes combinent différentes classes d’actifs, à la manière des hedge funds « global macro », et ont recours à des techniques également associées à ces derniers, comme la vente à découvert. Certains fonds visent un rendement absolu positif tous les ans, d’autres sur une période glissante, généralement de trois ans.

Au cours des deux dernières décennies, l’évolution des marchés a mis en évidence des écarts de performance significatifs. Si certains fonds ont généré comme promis des rendements stables année après année, d’autres ont enregistré des performances étonnamment conformes à celles des marchés actions, privant ainsi les investisseurs de la diversification ou de la constance que le concept de rendement absolu impliquait. Les meilleurs fonds présentent une faible volatilité et des pertes de valeur relativement modestes, mais font plutôt figure d’exception.

Alors que les marchés financiers sont à nouveau dominés par la volatilité, les fonds de rendement absolu peuvent jouer un rôle de stabilisateur au sein d’un portefeuille, mais les investisseurs doivent s’assurer que le fonds choisi (parmi un éventail beaucoup moins fourni qu’il y a quelques dizaines d’années) présente véritablement les caractéristiques qu’ils recherchent et comprendre que la performance passée ne peut pas être rééditée dans un contexte de marché très différent.

Produits de luxe et objets de collection

Parfois, lorsque les actifs traditionnels semblent plus risqués, les biens tangibles ont un certain attrait, en particulier le vin haut de gamme, les objets d’art ou les bijoux. Tous ces biens ont un côté rassurant du fait de leur valeur intrinsèque. Ce type de placements appelle cependant une réserve : les grands crus sont souvent achetés par des individus fortunés. Or tout ce qui affecte leur patrimoine peut bouleverser le rapport entre l’offre et la demande, et donc affecter les prix et la liquidité. En ce sens, les produits de luxe et les objets de collection sont eux-mêmes susceptibles d’être corrélés à l’évolution de l’économie dans son ensemble. En outre, le processus d’évaluation est parfois extrêmement subjectif lorsque les actifs n’ont pas de prix objectivement mesurable.

Le négociant en vins Berry Brothers & Rudd estime que la crise financière mondiale et la récession qui en a résulté ont pesé sur les prix des grands crus à la fin 2008, mais le marché avait déjà digéré la crise en 2010. Selon lui, les investisseurs feraient bien d’envisager le vin comme un placement à huit ou dix ans, même si la « maturité financière » du vin reflétera sa durée de vieillissement avant dégustation, qui peut aller jusqu’à une vingtaine d’années, et parfois plus.

Et le vin a ceci de particulier que même si l’investissement n’est pas fructueux, il est toujours possible de le déguster.

Pour les meilleurs vins au monde, l’offre varie d’un millésime à l’autre mais est systématiquement limitée. De plus, la demande émane généralement d’une élite internationale, incluant les investisseurs chinois, qui ont développé une appétence pour les grands vignobles bordelais. Et le vin a ceci de particulier que même si l’investissement n’est pas fructueux, il est toujours possible de le déguster.

Le marché international de l’art suit également son propre tempo et de nombreux investisseurs fortunés achètent des œuvres d’art pour les exposer ou pour leur plaisir personnel plutôt que pour en tirer un profit. Repérer le prochain Damien Hirst avant même sa sortie de l’école des beaux-arts est une idée séduisante, même si les collectionneurs en herbe seront aux prises avec des marchands d’art perspicaces et des investisseurs expérimentés. Les investisseurs auront plus de chances de parvenir à leurs fins s’ils travaillent avec un marchand d’art qui a déjà repéré de nouveaux talents par le passé.

Métaux précieux

Les investisseurs sont enclins à acheter de l’or pour se couvrir contre certains risques, notamment le risque d’inflation et le risque de dépréciation monétaire, car il s’agit d’une valeur refuge lorsque l’économie mondiale est en difficulté, ou pour sa valeur intrinsèque en tant que bijou. L’or s’est avéré un piètre investissement lorsque les marchés actions ont eu le vent en poupe, mais il a retrouvé les faveurs des investisseurs, qui s’inquiètent de l’évolution des marchés de titres publics et de la persistance de l’inflation.

Ce retour en grâce peut néanmoins tourner court si la hausse des rendements réels rend les obligations plus attrayantes aux yeux des investisseurs à l’avenir. Les prédictions selon lesquelles les cryptomonnaies, qui séduisent les jeunes générations d’investisseurs, pourraient miner l’attrait de l’or ne se sont pas encore vérifiées. Au contraire, la pandémie et les turbulences économiques et financières en découlant ont stimulé la demande de métal jaune, en particulier parmi les banques centrales et les gouvernements qui y voient une couverture contre la dépréciation du dollar américain.

Matières premières et agriculture

Les matières premières ont régulièrement servi de bouclier contre l’inflation dans la mesure où la demande augmente lorsque l’économie mondiale est en expansion, ce qui fait grimper les cours. Cette corrélation pourrait être en train de s’estomper quelque peu : durant les deux premières décennies du XXIe siècle, l’expansion économique n’a pas créé autant de demande pour les matières premières que 20 ans plus tôt.

Ces dernières années, les prix des matières premières ont baissé à l’issue d’une longue période d’expansion lors du boom des infrastructures en Chine, avant de faire l’objet d’une forte volatilité en raison des perturbations économiques induites par la pandémie de Covid-19.

Ces dernières années, les prix des matières premières ont baissé à l’issue d’une longue période d’expansion lors du boom des infrastructures en Chine, avant de faire l’objet d’une forte volatilité en raison des perturbations économiques induites par la pandémie de Covid-19. Pour investir dans les matières premières, il n’est plus nécessaire d’effectuer des transactions à titre individuel sur des contrats futures sur le soja, par exemple, et ce depuis la création des fonds indiciels cotés (ETF), un placement relativement liquide qui permet d’accéder aisément à un large éventail de produits. Une autre approche consiste à opter pour des fonds spécialisés à gestion active qui investissent dans les actions de sociétés du secteur des matières premières.

Ces dernières années, les matières premières agricoles ont suscité un intérêt plus large. Il faut dire que ce secteur est exposé à l’essor de la classe moyenne dans les pays émergents. Avec la hausse du niveau de vie, les individus ont tendance à consommer davantage de viande, ce qui requiert davantage de céréales, créant ainsi un cercle vertueux pour les entreprises agricoles.

Les prix sont par ailleurs affectés par un certain nombre de menaces pesant sur la sécurité alimentaire mondiale, dont le changement climatique et l’agitation politique. Selon les estimations de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), la production agricole devra augmenter de 70% d’ici 2050 pour nourrir les 9 milliards d’habitants que la planète comptera alors, contre un peu plus de 8 milliards aujourd’hui. Cependant, certains investisseurs évitent les matières premières agricoles par principe ou parce que les règles régissant leur portefeuille excluent les investissements pouvant être considérés comme de la spéculation au détriment de la sécurité alimentaire mondiale.

Le bois est une classe d’actifs connexe qui suscite l’intérêt des investisseurs en raison de sa valeur intrinsèque en tant que matière première et de sa capacité à atténuer le risque global d’un portefeuille grâce à ses vertus de diversification. Il permet également de se couvrir contre l’inflation dans la mesure où le prix du foncier a tendance à évoluer de concert avec les taux d’intérêt des crédits hypothécaires, qui sont eux-mêmes liés aux taux des banques centrales. L’investissement dans le bois peut se faire au moyen d’achats fonciers directs ou par le biais de véhicules de placement tels que les fonds de placement immobilier spécialisés ou les ETF.

Des devises aux obligations catastrophe

D’autres types de placements autrefois réservés aux investisseurs institutionnels se démocratisent progressivement. Le capital-risque permet aux investisseurs de miser sur des entreprises en plein essor, tout en bénéficiant parfois d’avantages fiscaux importants. Le capital-investissement est susceptible de générer des rendements élevés grâce à l’amélioration d’entreprises acquises à bas prix, favorisée par le recours à l’effet de levier de la dette.

Le financement du commerce international se généralise lui aussi après avoir longtemps été négligé en raison de la confidentialité de cette classe d’actifs au profil risque/rendement attrayant à long terme, et ce grâce à un faible risque de crédit et de défaut. Citons également les fonds en devises, qui ne suivent pas nécessairement l’évolution des marchés obligataires ou des marchés actions car les transactions portent toujours sur une devise par rapport à une autre.

D’autres fonds investissent dans les obligations catastrophe, dont le rendement est nettement plus vulnérable aux conditions météorologiques extrêmes qu’aux chocs économiques. Tous ces placements peuvent être très utiles pour améliorer la stabilité d’un portefeuille dans un environnement plus volatil pour les marchés financiers conventionnels.

Parfois, lorsque les actifs traditionnels semblent plus risqués, les biens tangibles ont un certain attrait, en particulier le vin haut de gamme, les objets d’art ou les bijoux. Tous ces biens ont un côté rassurant du fait de leur valeur intrinsèque.