Quel contrôle maintenir sur vos investissements?
Le dynamisme affiché par les marchés d’actions ces dernières années peut donner l’impression qu’investir a tout d’un jeu d’enfant, comme en témoignent les rendements généreux qu’il a parfois été possible d’obtenir d’un simple tracker sur le S&P 500. Qui plus est, les marchés obligataires ont dans le même temps signé des performances inhabituellement élevées. Plus récemment, en 2022, les principales classes d’actifs se sont toutes inscrites en baisse, une expérience difficile pour les investisseurs alors confrontés à un risque de perte omniprésent. Dans ce contexte, est-il judicieux de payer un expert pour s’occuper de vos placements?
Si l’idée de gérer soi-même ses investissements ne manque pas de charme, elle a également de quoi intimider. En théorie, vous pouvez économiser les honoraires d’un courtier ou d’un gérant de fonds actif (après tout, même un coût supplémentaire de 1% peut représenter une somme conséquente à terme), tout en vous assurant de placer votre argent conformément à vos souhaits. Les informations sont facilement accessibles et Internet regorge de conseils gratuits.
Toutefois, vous devez vous poser un certain nombre de questions avant de déterminer l’ampleur du contrôle que vous souhaitez ou pouvez exercer sur vos investissements.
Quelles sont vos connaissances?
À première vue, il n’y a rien de plus simple qu’investir: il faut trouver un placement, le conserver sur le long terme et le voir s’apprécier tout en récoltant d’éventuels dividendes. Si cela se vérifie lors des périodes de boom économique et d’envolée des marchés, il y a aussi des moments où faire fructifier ses investissements, voire même minimiser les pertes, n’a rien d’une sinécure.
Par exemple, la hausse enregistrée par l’indice américain S&P 500 ces dernières années est largement imputable à un nombre très restreint d’entreprises technologiques extrêmement performantes, que l’on appelle aujourd’hui les « Sept Magnifiques ». Or certaines d’entre elles sont actuellement confrontées à un risque réglementaire accru ainsi qu’à des critiques concernant leurs pratiques anticoncurrentielles sur leurs plateformes ou leur utilisation des données personnelles, en particulier en Europe. En cas de baisse significative de leurs valorisations, les investisseurs exposés uniquement ou principalement à cette frange limitée du marché pourraient subir de lourdes pertes.
Il convient donc de vous demander dans quelle mesure vous comprenez les facteurs techniques de l’investissement – des concepts tels que « flux de trésorerie », « corrélation » et « diversification ». Parvenez-vous à identifier les risques auxquels votre portefeuille est exposé ainsi que ses biais? Les plateformes d’investissement offrent généralement des outils à cette fin, qui permettent d’analyser les pondérations régionales et sectorielles d’un portefeuille.
Le danger pour de nombreux investisseurs particuliers est de se contenter de prendre des positions excessivement importantes sur la base de leurs réussites passées ou de la performance historique d’actifs donnés. Selon Benjamin Graham, le « père de l’investissement de rendement », la principale difficulté réside dans le fait que nous sommes notre pire ennemi. Nous achetons quand les cours sont élevés et vendons lorsqu’ils sont au plus bas. Nous adoptons la pire approche possible au pire moment dans la certitude que nous avons raison alors même que nous nous trompons très probablement sur toute la ligne.
Investir, ce n’est pas seulement définir une allocation de portefeuille et s’y tenir. Vous devez régulièrement passer votre portefeuille en revue et le rééquilibrer.
Combien de temps pouvez-vous y consacrer?
Investir, ce n’est pas seulement définir une allocation de portefeuille et s’y tenir. Vous devez régulièrement passer votre portefeuille en revue et le rééquilibrer. Dans le cas contraire, il pourrait se déséquilibrer et devenir vulnérable à de nouveaux risques.
Si vous dirigez par ailleurs une entreprise ou exercez un métier stressant, demandez-vous si vous aurez réellement du temps à consacrer à ces recherches. Serez-vous en mesure de suivre les mouvements du marché ou de vous adapter aux changements de l’environnement d’investissement? Par ailleurs, pourrez-vous ajuster votre portefeuille à l’évolution de vos propres besoins? Vos priorités en termes d’investissement sont susceptibles de changer lorsque vous commencez un nouvel emploi ou si vous avez des enfants ou des petits-enfants.
Toutes ces interrogations soulèvent la question corollaire de savoir si vous appréciez le processus d’investissement. Si vous êtes réellement passionné par les revirements des marchés et adorez vous plonger dans les moindres détails de l’investissement, la gestion de votre portefeuille vous semblera moins rébarbative. En revanche, si cette tâche vous ennuie ou ne vous inspire tout simplement pas, il peut s’avérer judicieux d’engager quelqu’un qui s’en charge pour vous.
Quelle est votre personnalité d’investisseur?
Les investisseurs commettent des erreurs. D’une part, ils ont tendance à se laisser guider par leurs émotions. Le cabinet d’études de marché spécialisé dans les services financiers Dalbar, basé dans le Massachusetts, affirme que les investisseurs ne parviennent généralement pas à répliquer la performance du marché dans son ensemble car ils achètent et vendent au mauvais moment.
Il ressort de son étude « Quantitative Analysis of Investor Behavior » menée en 2024 que l’investisseur moyen en fonds d’actions américaines a bénéficié d’un rendement de 20,79% au cours de l’année 2023, caractérisée par un boom boursier, contre une progression de 26,29% pour l’indice S&P 500. Cette sous-performance de 5,5% est le troisième écart le plus important enregistré par les investisseurs durant les dix dernières années.
Selon Dalbar, l’investisseur moyen en fonds d’actions a dégagé un rendement annuel de 8,01% au cours de la période de 30 ans clôturée fin 2023, contre 10,15% pour le S&P 500, meilleur baromètre du marché boursier américain actuellement disponible. Sur la même période, l’inflation est en moyenne ressortie à 2,52% par an.
Si ce rendement semble à première vue intéressant, c’est sans compter sur l’effet de capitalisation. Un investissement de 100.000$ effectué le 1er janvier 1994 aurait rapporté à l’investisseur moyen en actions 1.009.064$, alors que la même somme placée dans un tracker sur le S&P 500 lui aurait rapporté pas moins de 1.817.754$ grâce à la capitalisation des intérêts.
Comportement grégaire
Selon les analystes de l’entreprise, les investisseurs ont tendance à vendre lors d’accès de faiblesse des marchés, craignant que ces derniers ne se redresseront pas, et à relever leur exposition en période faste, pensant que la hausse se poursuivra indéfiniment. Ces instincts induisent un comportement grégaire.
Parallèlement, notre situation spécifique est susceptible de biaiser notre jugement en matière de placements. Les entrepreneurs sont par exemple plus disposés à prendre des risques, ce qui leur permet de réussir dans leur métier, mais n’en fait toutefois pas nécessairement de bons investisseurs. Les particuliers davantage attachés aux détails peuvent avoir tendance à modifier sans cesse leur portefeuille, payant dès lors des frais de transaction supplémentaires pour ne dégager que des gains très faibles.
Nous avons tous notre propre personnalité d’investissement, dont il convient de tenir compte au lieu de prétendre qu’elle n’existe pas.
L’ampleur du contrôle que vous exercez sur votre portefeuille dépendra de ces caractéristiques et de votre capacité à les identifier et à les gérer efficacement. Nous avons tous notre propre personnalité d’investissement, dont il convient de tenir compte au lieu de prétendre qu’elle n’existe pas. Par ailleurs, les investisseurs ne devraient jamais oublier que la confiance augmente plus rapidement que les capacités.
Où souhaitez-vous investir?
Si vous voulez contrôler davantage votre portefeuille, vous devrez savoir quel type d’investisseur vous êtes. Préférez-vous un portefeuille actif ou passif? Souhaitez-vous privilégier certains secteurs ou thèmes, que vous comprenez bien ou qui vous intéressent particulièrement? Cherchez-vous des sociétés de croissance ou plutôt des joyaux délaissés?
Les investisseurs se doivent de comprendre le principe d’illusion du contrôle. Par exemple, nombreux sont ceux qui s’obstinent à appuyer sur le bouton d’appel d’un ascenseur, alors que la lumière indique clairement que cela a déjà été fait, en sachant que cette action n’aura aucun effet. Nous disposons d’une vaste quantité d’informations sans cesse croissante, dont la majorité n’est que distraction.
Les médias et Internet voudront toutefois vous faire croire que chacune de ces informations est capitale pour votre portefeuille. Il convient dès lors d’être en mesure d’identifier vos priorités et de vous focaliser sur les éléments qui sont réellement sous votre contrôle, à savoir essentiellement votre horizon d’investissement et l’impact que peuvent avoir des informations pertinentes sur votre portefeuille.
Des responsabilités partagées
Si les exigences de gestion de votre portefeuille se traduisent par des frais trop élevés, il existe des alternatives hybrides. Vous pouvez par exemple faire appel à un gestionnaire d’investissement, qui supervisera l’essentiel de votre portefeuille, notamment s’il s’agit pour vous d’une source de revenus, tout en gardant le contrôle sur une certaine somme à investir comme vous l’entendez. Ainsi, d’éventuels revers ne risqueront pas de compromettre votre style de vie actuel ou vos ambitions futures.
Même si vous décidez de confier les décisions quotidiennes à un tiers, cela ne revient pas pour autant à renoncer à toute responsabilité vis-à-vis de la gestion de votre portefeuille. Vous devrez lui demander des comptes et vous assurer qu’il gère votre patrimoine conformément à vos objectifs financiers et aux paramètres convenus au début de votre relation.
Si vous avez clairement indiqué que vous visez des rendements à long terme réguliers, votre gestionnaire d’investissement ne devrait pas allouer de fonds à des placements hautement spéculatifs, ou seulement de manière très limitée. Le secteur de la gestion d’investissement est certes soumis à des règles strictes, mais il convient de toujours garder un œil sur ce qui se passe dans votre portefeuille.
En fin de compte, un gérant professionnel disposera dans la plupart des cas d’un éventail de ressources plus large et d’une meilleure expertise que vous pour gérer vos investissements conformément à vos priorités financières à long terme. En ce sens, un gestionnaire ou conseiller de portefeuille peut avoir une fonction de coach.
Bien que des exercices soient disponibles gratuitement sur Internet, un coach vous aidera à trouver inspiration et enthousiasme ainsi qu’à être attentif aux détails les plus importants. Prendre le contrôle peut sembler tentant, mais à moins d’avoir beaucoup de temps, une expérience considérable et un enthousiasme à toute épreuve, confier la gestion de votre portefeuille à un expert vous permettra très probablement d’obtenir de meilleurs résultats.