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26 avril 2024

Une planification successorale qui minimise les conflits et protège les entreprises familiales

Planifier sa succession n’est jamais chose facile. Même si votre situation familiale vous paraît simple, il vous faudra toujours gérer les relations entre vos proches et réfléchir à la meilleure manière de subvenir à leurs besoins futurs. L’existence d’une entreprise familiale complique encore davantage le processus de décision, en particulier si certains héritiers travaillent pour l’entreprise, et d’autres non. À quoi faut-il avant tout penser à l’heure de planifier sa succession ?

Il convient dans un premier temps de se demander quelles personnes impliquer, et d’évaluer leur situation personnelle et financière. D’aucuns considèrent qu’il est dans l’ordre des choses de répartir équitablement son patrimoine entre ses enfants, en prévoyant peut-être quelques arrangements spéciaux pour les autres membres de la famille.

Pourtant, l’âge et la situation personnelle peuvent être déterminants dans le choix des actifs à léguer à vos proches. Ceux qui comptent sur un héritage pour acheter une maison ou assumer d’autres dépenses quotidiennes préféreront sans doute recevoir de l’argent comptant, tandis que ceux dont la situation financière est déjà bien stabilisée préféreront peut-être hériter de biens familiaux ou de placements.

Règles obligatoires en matière de succession

Il vous faudra veiller à ce que vos proches reçoivent ce qui leur revient, et vous assurer de subvenir au mieux à leurs besoins. Dans certains pays, dont le Luxembourg, des règles de succession s’appliquent de façon contraignante à cet égard. Les règles de base imposent de léguer au moins 50 % de la masse successorale d’une personne aux enfants en présence d’un seul enfant, 67 % lorsqu’il y en a deux et 75 % lorsqu’il y en a trois ou plus. Peu de souplesse donc pour ceux qui souhaiteraient transmettre une partie de leur patrimoine à un conjoint dépendant par exemple, d’où l’importance de prévoir des solutions en amont et d’en expliquer la teneur à la famille. Ces règles peuvent être remises en cause lorsque les enfants, désignés en tant qu’héritiers par le droit des successions, résident en dehors du Luxembourg ou lorsqu’une partie du patrimoine est située en dehors du Luxembourg.

Les taux des droits de succession applicables au Luxembourg diffèrent selon que l’héritage est transmis des parents aux enfants, aux frères et sœurs ou à d’autres proches.

Il convient également de prendre en compte dans le processus de décision les considérations relatives aux droits de succession. Les taux des droits de succession applicables au Luxembourg diffèrent selon que l’héritage est transmis des parents aux enfants, aux frères et sœurs ou à d’autres proches. Si ce taux peut être substantiellement réduit pour d’autres groupes, les héritiers sans lien de parenté devront payer 15 % de droits de succession. À cela il faut ajouter les majorations des taux de base si la valeur nette imposable de la part recueillie par l’ayant droit excède 10.000 EUR (majorations de 1/10 à 22/10).

Ce montant variera également en fonction du volume de la succession, de sorte que le taux maximum s’appliquera à tout héritage égal ou supérieur à 1,75 million d’euros. Pour réduire la facture finale, il peut donc s’avérer intéressant de transmettre des actifs en tant que donations du vivant du donateur. Les biens transmis en donation avant le décès ne sont généralement pas soumis aux droits de succession, même s’il existe des mécanismes visant à empêcher qu’une personne puisse faire don d’un bien immobilier dans l’année précédant son décès dans le but explicite d’éluder l’impôt.

Qu’en est-il des entreprises familiales ?

D’après une enquête de PwC sur les entreprises familiales, la planification successorale est l’une des questions les plus sensibles dans la vie d’une entreprise familiale, et les chefs d’entreprise y accordent de plus en plus d’importance depuis la pandémie de Covid-19. Pourtant, seuls 30 % environ des entreprises familiales dans le monde ont déclaré avoir mis en place un véritable plan de succession en 2021, contre 15 % en 2018.

Dans le cadre d’une entreprise familiale, la prise de décision peut s’avérer complexe, et un vrai travail d’équipe intergénérationnel s’impose ; les chefs d’entreprise ne doivent en aucun cas supposer qu’ils savent ce que les autres veulent. Même si cela peut parfois être difficile, il est nécessaire de pouvoir discuter ouvertement et en toute franchise avec les autres membres de la famille afin de pouvoir mettre en place les structures adéquates.

Une fois que les fondateurs ont quitté la scène, beaucoup de familles décident de séparer la gestion de la propriété de l’entreprise, ce qui peut en effet faciliter la prise de décision en matière de succession. Si certains membres de la famille travaillent au sein de l’entreprise, il faudra veiller à mettre en place des incitants adéquats. Voir d’autres membres non actifs bénéficier d’une participation identique à la leur pourrait d’ailleurs leur laisser un goût amer, autant de sensibilités dont la planification successorale doit tenir compte. Les membres de la famille qui ne sont pas impliqués dans la vie de l’entreprise pourraient ainsi recevoir des actions sans droits de vote, ou des participations plus modestes, et bénéficier en compensation d’une part plus importante dans d’autres biens, dont la maison familiale par exemple.

Choisir la bonne structure

En règle générale, il est plus facile de faire correspondre les responsabilités opérationnelles et une participation au capital au sein d’une structure d’entreprise fondée sur des actions plutôt que dans le cadre d’une société de personnes. Les participations en actions peuvent être transmises progressivement au fil du temps, ce qui est tout particulièrement adapté si les héritiers potentiels sont jeunes ou encore aux études.

Si les fondateurs de l’entreprise décident de transmettre la propriété de leur vivant, il leur faudra déterminer s’ils veulent continuer à tirer un revenu permanent de l’entreprise et les participations devront être structurées en conséquence. Il est alors possible de céder le contrôle aux membres de la famille tout en conservant des droits préférentiels sur les dividendes, ou de garder la propriété du bâtiment qui abrite l’entreprise.

Ici encore, il faudra tenir compte de considérations d’ordre fiscal, et garder à l’esprit que les taux d’impôt sur les plus-values découlant de la vente de tout ou partie d’une entreprise (par exemple, la vente d’une participation visant à dégager un revenu d’investissement) sont généralement moins élevés que ceux de l’impôt sur le revenu.

Garantir l’équité en cas de successions complexes

Forcément, lorsque des successions importantes et complexes sont en jeu, les héritiers peuvent recevoir des actifs très différents les uns des autres, dont la valeur relative peut évoluer avec le temps. Ainsi, la valeur d’un tableau sera moins susceptible de baisser que celle d’un portefeuille d’actions – ou vice versa.

Mieux vaut toujours aborder la question de l’héritage en amont et expliquer les raisons qui justifient la répartition choisie.

Des problèmes d’équité peuvent alors se poser, et il sera peut-être nécessaire d’adapter votre testament de temps à autre pour équilibrer la valeur des actifs légués en cas de fluctuations importantes. Mieux vaut toujours aborder la question de l’héritage en amont et expliquer les raisons qui justifient la répartition choisie.

Dans les grandes familles, il est souvent difficile de faire plaisir à tout le monde, tout le temps. Mais si vous expliquez votre raisonnement, vos héritiers sauront au moins clairement comment vous avez choisi de répartir votre patrimoine, et si des plaintes fondées émergent, vous pourrez en discuter plus sereinement. Voilà qui devrait permettre d’éviter à terme de longues et désagréables querelles familiales – et très probablement, des frais d’avocat conséquents.