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25 avril 2024

Achat en viager : vraie opportunité ou piège à éviter ?

Les achats immobiliers en viager sont rares au Luxembourg et ne représentent qu’une infime partie des transactions immobilières. Pourtant, ce type d’acquisition présente des avantages potentiellement attractifs. Comment fonctionne l’achat en viager ? Quels sont les bénéfices et les points d’attention pour l’acquéreur ?

Qu’est-ce que le viager immobilier ?

Il s’agit d’une transaction entre un propriétaire (le crédirentier) qui vend un bien immobilier à un acheteur (le débirentier) en échange du versement d’un capital initial (le bouquet) et d’une rente régulière.

Contrairement à un achat immobilier classique où le bien est payé en une seule fois, le règlement prend la forme d’une rente périodique (mensuelle, trimestrielle ou annuelle) versée jusqu’au décès du vendeur. Le montant total de la transaction est donc aléatoire, car il dépend en principe de l’espérance de vie du cédant établie sur base des statistiques officielles de la population. C’est aussi la raison pour laquelle ce type de transactions est parfois appelé « vente à fonds perdus », un terme issu du monde des assurances pour exprimer que les cotisations versées restent acquises définitivement à l’assureur lorsque le risque couvert ne se réalise pas (par exemple les cotisations versées dans le cadre d’une assurance décès tant que la personne est en vie).

→ Bon à savoir : le caractère aléatoire du contrat est essentiel. Pour qu’il soit valable, l’acquéreur ne doit pas avoir connaissance d’un problème de santé du crédirentier avant la vente. Sa disparition doit être imprévisible. D’ailleurs, si le vendeur décède d’une maladie dans les vingt jours suivant la signature du contrat, la transaction peut être annulée. L’achat en viager, comme tout achat immobilier, doit obligatoirement se faire devant notaire.

Viager immobilier « occupé » ou « libre »

Il existe plusieurs types de viagers au Luxembourg, dont le « viager occupé », la forme la plus courante, et le « viager libre » beaucoup plus rare. Leur fonctionnement peut varier selon les clauses et modalités inscrites dans le contrat de vente.

Dans un viager occupé traditionnel, le vendeur conserve le droit d’usage et d’habitation du logement : après la vente, il peut continuer à y demeurer jusqu’à son décès. Il peut aussi réserver l’usufruit du bien, ce qui lui offre la possibilité de le mettre en location s’il souhaite partir en maison de retraite par exemple. L’acquéreur pour sa part, ne devient pleinement propriétaire du bien immobilier qu’au moment du décès du vendeur.

Dans un viager libre, le crédirentier ne peut plus vivre dans le logement après la cession. La pleine propriété du bien est transférée à l’acquéreur comme dans une vente immobilière ordinaire. Il peut en disposer immédiatement pour y vivre ou pour le mettre en location.

Dans les deux cas, un bouquet est généralement versé à la signature du contrat de vente et une rente est payée jusqu’au décès du crédirentier. Cependant, il existe également des viagers sans rente ou sans bouquet.

→ Bon à savoir : il est possible de limiter dans le temps le versement de la rente viagère et/ou la période d’occupation du logement. On parle alors de viager « à terme ». L’échéance fixée doit être respectée, même en cas de décès du vendeur (dans ce cas, les arrérages sont versés à ses héritiers jusqu’à la date définie dans le contrat).

L’acheteur s’engage à verser une rente jusqu’à la fin des jours du crédirentier, sans pour autant savoir précisément combien de temps celui-ci va vivre.

Combien coûte un achat en viager ?

Acheter en viager est un pari sur l’avenir. L’acheteur doit être conscient qu’il s’engage à verser une rente, en principe, jusqu’à la fin des jours du crédirentier, sans pour autant savoir précisément combien de temps celui-ci va vivre. Si le vendeur disparaît avant la date estimée, l’acheteur obtiendra le logement à un prix moins élevé que sa valeur réelle. Si au contraire, il vit plus longtemps, le prix acquitté dépassera la valeur du bien immobilier. Le prix final réellement payé pour le logement est, de ce fait, inconnu (sauf dans un viager à terme).

→ Bon à savoir : en principe la rente est versée au vendeur, mais il peut y avoir plusieurs crédirentiers pour la même vente (contrat à deux-têtes). En cas de décès et en présence d’une clause de réversibilité, le versement peut être reporté sur le conjoint survivant.

Afin d’estimer les montants à régler au crédirentier, le principe est le suivant : la somme du bouquet et des rentes payées jusqu’à la fin de la vie potentielle du vendeur doit correspondre à la valeur du bien immobilier. Pour cela, il est conseillé de faire expertiser le bien immobilier par un professionnel.

Le montant de la rente est moins élevé dans un viager occupé que dans un viager libre afin de compenser l’absence d’usage du bien.

Le prix du bouquet est librement choisi par les parties et payé en une seule fois lors de l’acquisition. Il représente en général entre 30% et 50% de la valeur du bien.

Le montant de la rente dépend de plusieurs critères : le type de viager (occupé ou libre), le montant du bouquet, l’âge du vendeur et son espérance de vie estimée (déterminée en principe d’après les statistiques officielles du pays), etc.

Le principe de calcul est le suivant : dans un viager libre, la rente correspond au prix du bien immobilier auquel on soustrait le montant du bouquet. Le chiffre obtenu est ensuite divisé par un coefficient correspondant à l’espérance de vie du vendeur. Dans un viager occupé, le calcul est le même, mais il faut en plus prendre en compte la décote liée à l’occupation du bien par le vendeur.

Le montant de la rente est ainsi moins élevé dans un viager occupé que dans un viager libre afin de compenser l’absence d’usage du bien pour l’acheteur. Il faut noter que ce montant sera amené à évoluer puisqu’il est indexé, en principe, sur l’indice des prix à la consommation.

Attention : le crédirentier peut faire inscrire une clause résolutoire dans le contrat de vente afin de se protéger du non-paiement de la rente par l’acquéreur. Si l’acheteur ne respecte pas ses engagements, cette clause donne la possibilité au vendeur de faire annuler la vente et, selon les termes du contrat, de conserver les rentes déjà réglées.

Les avantages de l’achat en viager

Si la vente en viager est profitable au vendeur qui bénéficie d’un complément de retraite non négligeable tout en continuant d’habiter dans son logement, elle présente également plusieurs avantages pour l’acquéreur :

    • Un aléa potentiellement favorable : l’un des avantages de l’achat en viager est aussi son principal risque. Il s’agit de la possibilité pour l’acheteur de devenir propriétaire du bien à un prix inférieur à sa valeur en cas de décès prématuré du vendeur.
    • Une acquisition à moindre prix : dans le cas d’un viager occupé, le montant de la rente tient compte de la décote liée à l’occupation du bien, ce qui réduit le prix final du logement. De la même manière, les droits d’enregistrement et de transcription dus pour la vente sont diminués.
    • Un crédit et des intérêts bancaires faibles ou inexistants : l’achat en viager permet de réduire le montant d’un crédit bancaire ou même de s’en passer. En effet, en dehors du bouquet à régler lors de l’achat, la rente est versée progressivement au crédirentier, comme les mensualités d’un prêt, mais sans les intérêts bancaires. Ceci étant, compte tenu du prix de l’immobilier au Luxembourg, le paiement du bouquet nécessitera à lui seul de contracter un prêt pour la majorité d’entre nous.
    • Une dispense de gestion du bien : dans le cas d’un viager occupé, les dépenses courantes d’entretien et de réparation sont à la charge du vendeur.

Signalons enfin que, dans le cadre d’un viager occupé, le fait d’avoir un prix fixé dès le début (pour le bouquet et la rente) constitue un avantage sur un marché immobilier où les prix sont à la hausse. Mais si le marché se retourne, l’acheteur a fait une mauvaise affaire sauf en cas de mort prématurée du vendeur.

Les inconvénients du viager pour l’acquéreur

Pour le vendeur, la principale difficulté est liée au possible mécontentement de ses héritiers qui pourraient considérer cette transaction, comme un moyen de réduire leur héritage. L’acquéreur, pour sa part, doit prendre en compte plusieurs aspects :

    • La longévité du vendeur : le risque principal de l’achat en viager réside dans l’incertitude liée à la durée de vie du vendeur. S’il vit plus longtemps que ce qui a été estimé, la rente sera versée sur une durée plus longue et l’acquéreur paiera le bien immobilier plus cher que sa valeur réelle.
    • L’absence d’usage et de jouissance du bien : dans le cadre d’un viager occupé, le débirentier ne sait pas à quel moment il pourra disposer du bien immobilier. Il ne peut pas habiter le logement, ni le louer (en cas de réserve d’usufruit par le vendeur) jusqu’au décès du crédirentier.
    • L’obligation de paiement de la rente transmise aux héritiers en cas de décès : si l’acquéreur décède avant le vendeur, ses héritiers seront contraints de verser les arrérages au crédirentier jusqu’à son décès.
    • La charge des gros travaux : dans un viager occupé, c’est à l’acquéreur de payer les gros travaux et les réparations importantes : toiture, façade, etc.

Avant de s’engager dans un viager, il est essentiel pour l’acquéreur de tenir compte du caractère aléatoire du contrat.

Si le viager immobilier peut avoir une connotation négative, il offre cependant de réels avantages aux deux parties. Le crédirentier continue à occuper son logement tout en percevant un complément de revenu jusqu’à la fin de ses jours, tandis que l’acquéreur accède à la propriété potentiellement à moindre prix.

Toutefois, avant de s’engager dans un viager, il est essentiel pour l’acquéreur de tenir compte du caractère aléatoire du contrat. Il est utile de se rapprocher d’un notaire ou d’un spécialiste de ce type de transaction afin d’être conseillé sur les modalités à introduire (achat avec ou sans transfert d’usufruit, existence d’un bouquet, de rentes, d’un terme, etc.) ainsi que sur les bonnes pratiques à respecter : écart d’âge minimum entre acquéreur et vendeur, diversification des investissements afin de minimiser les risques, etc.