Mes finances, mes projets, ma vie
18 avril 2024

Le logement, toujours un bon placement ?

Pendant la pandémie de Covid-19, les prix de l’immobilier semblaient défier la gravité dans de nombreux pays européens, laissant les analystes perplexes. Alors que les économies traversaient des turbulences sans précédent, il paraissait étonnant que l’immobilier résidentiel reste aussi dynamique. La récente résurgence de l’inflation et la fin brutale de près d’une décennie et demie de taux d’intérêt extrêmement bas semblent toutefois avoir plombé les marchés dans nombreux pays.

Les périodes répétées de restriction de la circulation des personnes en 2020 et 2021 semblent paradoxalement avoir eu un effet bénéfique sur le marché européen du logement, tant en termes de transactions que de niveaux de prix. Les preuves dont nous disposons suggèrent en effet qu’il a été moins touché que lors des précédentes récessions économiques. De nombreux investisseurs immobiliers se souviennent encore de la crise financière mondiale de 2007-2009, qui avait vu les marchés immobiliers espagnol et irlandais totalement s’effondrer, à partir de niveaux certes nettement surévalués. Il n’y a guère qu’en Allemagne, au Luxembourg et en Suède que les marchés se sont révélés relativement résistants.

Au Luxembourg, qui connaît depuis des années une flambée des prix de l’immobilier, la pandémie semble n’avoir causé qu’un simple contretemps.

Au Luxembourg, qui connaissait depuis des années une flambée des prix de l’immobilier, la pandémie n’a causé qu’un simple contretemps. Selon Eurostat, le coût d’une maison ou d’un appartement a augmenté de 140% entre 2010 et 2022 dans le pays, soit nettement plus que la moyenne de l’UE, qui s’élève à 49%. Les loyers, quant à eux, se sont inscrits en hausse de près de 20% au cours de la même période de 12 ans, soit un niveau proche de la moyenne de l’UE.

Premier ralentissement depuis des décennies

Depuis lors, le marché de l’immobilier résidentiel du Grand-Duché a toutefois enregistré son plus important ralentissement en plusieurs décennies. Selon la plateforme d’annonces immobilières en ligne Immotop, le prix moyen des maisons et des appartements dans le pays a culminé à 9.208€ le mètre carré en juillet 2022 pour retomber à 8.626€ en mai de cette année. Les analystes attribuent la stagnation du marché à l’impact de la hausse du coût des emprunts alors que l’inflation érode les revenus.

Il s’agit là d’une évolution considérable: pendant la majeure partie des 20 dernières années, les investissements dans les maisons et appartements luxembourgeois ont constitué un pari gagnant, soutenus par la « grande modération » de l’inflation et des taux d’intérêt dans un contexte de croissance économique régulière et d’augmentation des revenus. Selon l’indice BIL IMMO calculé par la Banque Internationale à Luxembourg jusqu’en 2017, les prix des logements dépassent de plus en plus l’indice des prix à la consommation du pays, un mouvement entamé depuis l’année 2000 environ. La hausse annuelle moyenne des prix au cours de la décennie écoulée a oscillé entre 4,4% en 2014 et un pic de 14,5% en 2020.

Bien que les analystes aient régulièrement affirmé que le marché immobilier luxembourgeois est en surchauffe ces dernières années, de nombreux acteurs du secteur pensent que la baisse des prix pourrait s’avérer superficielle et relativement brève, et qu’elle se résorbera rapidement lorsque l’inflation et les taux d’intérêt renoueront avec les tendances observées jusqu’à présent au cours du siècle. Avec un déficit de construction d’environ 3.000 nouveaux logements par an, la demande semble appelée à dépasser l’offre dans un avenir proche.

Bien évidemment, le marché immobilier résidentiel national est relativement atypique, dès lors que le Luxembourg est un petit pays extrêmement prospère caractérisé par une économie reposant essentiellement sur les services, des liens étroits avec les régions voisines et une main-d’œuvre nationale composée presque pour moitié de frontaliers faisant quotidiennement la navette avec les États limitrophes. Tous ces éléments confèrent au marché du logement un dynamisme intrinsèque qui s’étend, dans une moindre mesure, aux régions voisines de Belgique, de France et d’Allemagne.

Impact de l’inflation

Certains des facteurs qui ont influencé la fin, du moins provisoire, de la longue période d’expansion du marché immobilier s’appliquent également à d’autres pays européens. En avril 2023, le Fonds monétaire international a mis en garde, dans ses perspectives économiques régionales, contre le risque de correction des prix de l’immobilier sur le continent, en raison à la fois de l’impact de l’inflation, à son plus haut depuis les années 1990, et du relèvement des taux d’intérêt des banques centrales à des niveaux eux aussi inégalés depuis plusieurs décennies afin de maîtriser la hausse des prix.

Le FMI indique que des tendances baissières étaient déjà observées sur certains marchés du logement en Europe, notamment en République tchèque, au Danemark ou encore en Suède, où les prix de l’immobilier résidentiel ont reculé de plus de 6% en 2022. Selon l’institution, la poursuite des hausses de taux d’intérêt pourrait accélérer ce repli, et ce même en l’absence de crise financière plus généralisée au sein des économies, notamment si les marchés perçoivent des risques d’inflation à plus long terme avec, dans le même temps, une prudence accrue des prêteurs. Cette situation est également susceptible d’avoir un impact économique plus large en réduisant l’évaluation par les ménages de leur propre richesse et de leurs perspectives financières.

Les prix moyens des logements dans l’UE ont diminué de 1,5% au cours du dernier trimestre 2022, ce qui correspond à la première baisse trimestrielle depuis 2015, mais sont restés supérieurs de 3,6% au niveau observé sur la même période l’année précédente.

Selon Eurostat, les prix moyens des logements dans l’UE ont diminué de 1,5% au cours du dernier trimestre 2022, ce qui correspond à la première baisse trimestrielle depuis 2015, mais sont restés supérieurs de 3,6% au niveau observé sur la même période l’année précédente. Cependant, les analystes du FMI entrevoient au moins la possibilité d’un cercle vicieux impliquant une hausse des taux d’intérêt hypothécaires, une limitation des dépenses discrétionnaires des ménages, une augmentation des défauts de paiement et une nouvelle baisse de la disposition des banques et autres prêteurs à fournir des financements aux candidats acquéreurs. Selon leur analyse, les modèles empiriques qui mettent en relation les prix des logements et leurs facteurs fondamentaux témoignent d’une surévaluation de 15 à 20 % dans la plupart des pays européens.

Cela reflète dans une certaine mesure le niveau extrêmement élevé de la croissance des prix de l’immobilier dans certains pays européens au cours des 25 dernières années: +176% entre 1996 et 2021 en Suède, +145% au Royaume-Uni, +142% au Danemark et +126% en France, selon l’Organisation de coopération et de développement économiques. D’autres pays ont en revanche enregistré une croissance bien plus modeste sur ces 15 ans: +31% en Allemagne (où les prix ont été inférieurs à ceux de 1996 jusqu’en 2016), +27% au Portugal (la croissance récente étant attribuée à son programme de « visa doré » visant à attirer des résidents fortunés par des allégements fiscaux) et +9% seulement en Italie.

Une baisse durable des prix?

Un rapport publié début 2023 par l’agence de notation Standard & Poor’s conclut que cette longue période de hausse des prix semble toucher à sa fin, avec une baisse – mais pas un effondrement – des prix de l’immobilier dans la plupart des pays européens qui devrait perdurer jusqu’en 2024 et peu de perspectives d’un net rebond avant la fin de 2025. Les prix et les investissements devraient en outre pâtir de l’augmentation rapide des coûts d’emprunt.

Si le rythme de construction de biens immobiliers résidentiels s’est maintenu dans de nombreux pays européens – mais pas en France, en Suède, en Allemagne ou au Luxembourg – S&P affirme qu’il s’agit là d’un indicateur retardé du marché du logement, compte tenu du temps qui s’écoule entre les mises en chantier et l’achèvement des travaux.

Pour les investisseurs dans l’immobilier résidentiel, la grande stabilité des valeurs locatives par rapport aux prix d’achat au cours de la dernière décennie constitue un facteur important.

Pour les investisseurs dans l’immobilier résidentiel, la grande stabilité des valeurs locatives par rapport aux prix d’achat au cours de la dernière décennie constitue un facteur important. Selon Eurostat, les loyers moyens dans l’UE ont augmenté régulièrement, mais pas de manière spectaculaire, entre 2010 et le quatrième trimestre 2022, avec une croissance de seulement 19%, contre 47% pour les prix d’achat des logements au cours de la même période. Le Luxembourg se situe juste au-dessus de la moyenne avec une progression de 20%.

Quelles implications pour l’investissement immobilier? Si les prévisionnistes ont raison, il est peu probable d’observer une nouvelle flambée des prix de l’immobilier à l’échelle européenne – et donc d’engranger des plus-values substantielles – avant le milieu de la décennie. Une baisse majeure des revenus locatifs semble cependant tout aussi improbable dès lors qu’ils n’ont pas dépassé la croissance économique globale au cours de la dernière décennie. Par ailleurs, tout repli au niveau des ventes de logements pourrait inciter davantage de personnes à louer plutôt qu’à acheter un bien immobilier dans les années à venir, ce qui soutiendrait la demande.

À long terme, l’investissement dans l’immobilier résidentiel devrait rester populaire, simplement parce que l’interaction entre l’offre et la demande devrait finir par ramener les prix à l’équilibre, et que les loyers peuvent offrir les rendements réguliers recherchés par de nombreux investisseurs. L’époque où les maisons et les appartements étaient des paris gagnants semble toutefois bel et bien révolue, du moins dans un avenir proche.