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19 septembre 2024

Quel est le rôle d’un notaire dans une succession?

En cas de décès, les proches du défunt font en principe appel à un notaire qui les accompagne tout au long du règlement de la succession. Outre la prise en charge de formalités administratives indispensables, le notaire est aussi un conseiller précieux pour la famille.

Après plus de 30 années de vie commune, Maud vient de perdre son mari Pascal. Elle et ses trois enfants, déjà adultes, vont devoir s’occuper de l’ensemble des démarches administratives relatives à cette disparition. Pour les aider dans cette étape difficile, ils font appel à un notaire.

Ce dernier a un rôle central dans le règlement d’une succession. Il s’occupe de dresser le bilan (aussi complet que possible) du patrimoine du défunt, de rédiger la déclaration de succession ou de mutation par décès ou encore d’effectuer, dans une seconde phase, le partage entre les héritiers. Il est aussi chargé de conseiller les familles et de protéger leurs intérêts.

Bon à savoir: il n’est pas obligatoire de faire appel à un notaire lorsqu’il n’y a pas de droits à payer sur la succession et qu’aucun testament n’a été rédigé. Dans tous les autres cas, c’est une obligation.

Nous avons rencontré Maître Kolbach, notaire à Junglinster, pour nous éclairer sur ses missions dans le cadre d’une succession.

Les recherches préalables

Le notaire a le devoir d’identifier précisément les bénéficiaires de la succession et de déterminer la masse successorale à partager – c’est-à-dire les biens qui entrent dans la succession – tout en tenant compte d’éventuelles dettes à payer. Pour cela, il doit effectuer une série de recherches sur le défunt et son patrimoine en se renseignant auprès de la famille et de différents organismes: Registre national des personnes physiques (RNPP), registre des dispositions de dernière volonté, bureau des hypothèques, cadastre, banques, etc.

> Régime matrimonial

« Si le défunt était marié, explique Maître Kolbach, la première étape est la liquidation du régime matrimonial (sauf si le défunt était sous le régime de séparation des biens). Il s’agit d’établir la liste des biens à partager en déterminant ce qui appartient à chacun des époux et ce qui entre dans la communauté. »

Il existe trois régimes distincts:

    • Le régime de la communauté légale (communauté réduite aux acquêts): la succession se compose des biens du défunt et de la moitié du patrimoine commun.
    • Le régime de séparation de biens: dans ce régime, il n’y a pas de patrimoine dans la communauté. Cependant, il se peut qu’il y ait des biens communs détenus en indivision. La succession est constituée de tous les biens propres du défunt.
    • Le régime de la communauté universelle: l’ensemble des biens fait partie de la communauté. La succession correspond à la moitié du patrimoine commun.

« Dans le cas d’une communauté universelle avec attribution au conjoint survivant, tout revient au conjoint, à condition bien sûr que la communauté universelle puisse jouer (qu’il n’y ait pas d’enfant d’une union précédente). Pour les autres régimes, on sépare les biens communs et les biens propres, qui sont ensuite répartis selon le régime matrimonial.

Il faut aussi vérifier si des “récompenses” sont dues, poursuit Maître Kolbach. Par exemple, si la maison appartenait à l’époux, mais que l’épouse a financé la réparation de la toiture, une compensation doit être versée à cette dernière. Autre illustration, lorsqu’un immeuble est construit sur un terrain appartenant à l’un des époux et que la construction est financée par les deniers communs. »

Au Luxembourg, le conjoint survivant est considéré comme héritier privilégié, mais il n’est pas réservataire. Il peut ainsi être exclu de la succession (ou avantagé) par testament.

> Testament

En l’absence de testament, les héritiers légaux sont déterminés par la loi selon les règles de la dévolution successorale: les enfants et le conjoint survivant, les parents, les frères, sœurs, etc.

Bon à savoir: « Il est important de distinguer mariage et partenariat, souligne Maître Kolbach. Avec le mariage, le conjoint survivant est considéré comme un héritier légal, ce qui n’est pas le cas avec le Pacs. Le partenaire survivant doit être mentionné dans le testament pour pouvoir hériter, sinon c’est la famille du défunt (parents, frères et sœurs, etc.) qui recueille la succession. »

En présence d’un testament, les biens sont attribués selon la volonté du défunt. Il est cependant obligatoire de respecter la réserve héréditaire qui définit la part minimale de la succession que les enfants doivent recevoir au décès de leur parent (50% en présence d’un seul enfant, 67% lorsqu’il y en a deux et 75% lorsqu’il y en a trois ou plus). La part restante (la quotité disponible) est ensuite librement attribuée.

À noter: au Luxembourg, le conjoint survivant est considéré comme héritier privilégié, mais il n’est pas réservataire. Il peut ainsi être exclu de la succession (ou avantagé) par testament.

« La réserve peut parfois poser problème si, par exemple, le défunt a été marié plusieurs fois et que 75% de l’héritage est réservé aux enfants. Il est possible de prévoir par testament ou par contrat de mariage, que la quotité disponible spéciale entre époux revienne au survivant, indique Maître Kolbach. Elle prévoit que le conjoint survivant puisse bénéficier: soit de la quotité disponible normale et de l’usufruit sur le reste du patrimoine, soit de la totalité de ses biens en usufruit. »

> Enfants

En absence d’enfant, l’intégralité de la succession revient au conjoint survivant en pleine propriété (sauf dispositions testamentaires contraires).

Lorsqu’il y a des enfants, le conjoint survivant peut opter, soit pour une part d’enfant en pleine propriété (au minimum ¼ de la succession), soit pour l’usufruit de l’immeuble qui était habité en commun par les époux. Les enfants héritent alors de la nue-propriété de l’immeuble, ainsi que de la pleine propriété du reste de la succession. Cette seconde option n’est possible que si l’immeuble appartenait au défunt en totalité ou conjointement avec le survivant.

« Attention, si le bien immobilier est détenu par l’intermédiaire d’une société, il appartient à la société et non pas au défunt. Le conjoint survivant ne pourra donc pas choisir l’usufruit de l’immeuble. Il percevra automatiquement une part d’enfant. »

L’option du conjoint survivant doit être réclamée avant le partage et au plus tard dans les 3 mois et 40 jours qui suivent le jour de l’ouverture de la succession. Passé ce délai ou sans choix du conjoint survivant, la loi considère qu’il a opté pour l’usufruit.

Bon à savoir: « Ici encore, il existe une différence avec le Pacs. En présence d’enfants, le partenaire survivant ne peut pas choisir entre une part d’enfant ou l’usufruit du bien immobilier et la quotité disponible spéciale entre époux n’existe pas pour les pacsés. Tout doit être prévu dans un testament, mais toujours en veillant à ne pas toucher à la réserve des enfants. »

« Lorsqu’il y a des héritiers réservataires, les donations effectuées du vivant du défunt doivent être comptabilisées dans la masse successorale, puis réévaluées (…). »

> Donations

« Lorsqu’il y a des héritiers réservataires, les donations effectuées du vivant du défunt doivent être comptabilisées dans la masse successorale, puis réévaluées suivant l’état au jour de la donation et d’après la valeur du jour de la succession (voire du partage, s’il y a un partage qui suit). Le but étant de vérifier que la réserve héréditaire a bien été respectée. Si le don a été fait à un enfant, il faut vérifier s’il s’agissait d’une avance sur son héritage ou d’une gratification supplémentaire et s’assurer que la répartition soit équilibrée entre les héritiers. Si c’est un tiers qui a bénéficié de la donation, il doit rester encore suffisamment de biens pour respecter la réserve des enfants. Dans le cas contraire, la donation doit être remboursée. Ce rééquilibrage n’est pas toujours connu, relève Maître Kolbach, et cela peut entraîner des litiges dans la famille. C’est une des raisons pour laquelle il faut privilégier, lorsque c’est possible, un partage d’ascendants* aux donations. »

> Renseignements auprès des banques et des différents organismes

Le notaire va également contacter les banques et les organismes nécessaires afin de rassembler toutes les informations utiles concernant les avoirs et les éventuelles dettes du défunt.

« Les banques nous informent de l’existence de comptes bancaires, de prêts en cours ou même d’un coffre-fort. Ce dernier point est important, puisqu’avant de commencer à liquider la succession, il faut faire ouvrir le coffre-fort pour en faire l’inventaire et ajouter son contenu à la masse successorale. On contrôle également l’existence de dettes: si le défunt était commerçant, par exemple, il peut y avoir des dettes fiscales, des sommes dues à la TVA, au Centre commun de la sécurité sociale (CCSS), etc. Tout doit être passé en revue. »

Bon à savoir: les héritiers ne sont pas obligés de valider la succession en l’état. Plusieurs choix s’offrent à eux: accepter la succession telle quelle, l’accepter sous bénéfice d’inventaire (lorsque, par exemple, ils ne savent pas s’il existe des dettes), y renoncer ou encore la contester. Si les héritiers sont mineurs, la succession ne peut être acceptée que sous bénéfice d’inventaire.

Maud et son époux disparu avaient heureusement anticipé l’ensemble de ces démarches et préparé leur succession en amont avec leur notaire. Il les a accompagnés pour la rédaction de leur testament et les a renseignés sur l’ensemble des justificatifs à rassembler pour faciliter les démarches de transmission. C’est aussi grâce à ses recommandations que le couple a pu faire en sorte que s’il arrivait malheur à l’un d’entre eux, le conjoint survivant puisse être protégé et les biens de la famille répartis équitablement.

« Il est conseillé de s’adresser au notaire dans le mois du décès afin d’être certain de pouvoir respecter le délai des 6 mois (…) ».

La déclaration de succession

Fort de toutes les informations récoltées, le notaire peut désormais dresser un bilan complet du patrimoine du défunt et rédiger la déclaration de succession. Cette dernière sert de base pour déterminer le montant des droits de succession à verser à l’État. Elle est obligatoire – même en cas d’exonération de droits – et doit être remise à l’Administration de l’enregistrement, des domaines et de la TVA (AED) dans les 6 mois qui suivent le décès (afin, notamment, que les biens immeubles puissent être mutés). Ensuite, si la succession est passible, les droits devront être réglés dans les 6 semaines après la notification de l’AED.

« Il est conseillé de s’adresser au notaire dans le mois du décès afin d’être certain de pouvoir respecter le délai des 6 mois, préconise Maître Kolbach. Certaines situations peuvent nécessiter des démarches complémentaires: héritier mineur, leg à une association, succession transfrontalière, etc.

Il faut aussi parfois procéder à la vente d’un bien immobilier, pour disposer des liquidités nécessaires au règlement des droits de succession – et dans ce cas, faire attention à l’éventuelle plus-value immobilière à payer. Ces étapes sont à prévoir suffisamment à l’avance afin d’être en mesure de payer l’administration dans les délais et ne pas avoir à verser des intérêts de retard. »

Selon les situations, le notaire est aussi amené à rédiger d’autres documents officiels: acte de notoriété, certificat d’exemption, certificat successoral européen, etc.

Le partage de la succession

Lorsque les droits ont été versés à l’AED, il est temps d’entamer la dernière étape de la succession: le partage. C’est à ce moment que les héritiers décident de rester en indivision sur les biens recueillis ou alors de les partager. Lors de cette étape, le notaire est un allié précieux pour organiser un partage juste et dans l’intérêt de chaque bénéficiaire.

« Même lorsque la succession n’est pas imposable, il convient d’être prudent au moment du partage, prévient la notaire. Les héritiers, par exemple, ont tendance à tout de suite aller récupérer l’argent de l’héritage à la banque, puis ils s’occupent ensuite de se répartir les biens immobiliers. Or, selon les situations, cela peut entraîner des frais. Il faut être attentif quant à la manière de procéder. »

Bon à savoir: toutes les successions ne nécessitent pas un partage. S’il y a un enfant unique et que le conjoint survivant a reçu l’usufruit, le partage n’est pas utile. Mais dès qu’il y a plusieurs enfants ou plusieurs légataires, il faut procéder à une répartition des biens.

Un conseiller de confiance

Les missions du notaire dans une succession ne se limitent pas uniquement aux formalités administratives. Sa connaissance approfondie du droit et sa visibilité globale sur la situation personnelle et patrimoniale de ses clients en font un conseiller de confiance. Que ce soit avant ou après le décès, il est là pour guider les familles et les informer sur leurs droits et leurs obligations, mais aussi sur les enjeux fiscaux et les conséquences de certaines décisions.

« L’idéal est d’aller voir le notaire avant d’être malade ou trop âgé pour planifier sa succession. Il pourra ainsi donner tous les renseignements utiles et prodiguer des conseils personnalisés pour protéger les intérêts de chacun et anticiper les éventuels conflits, conclut Maître Kolbach. »

En outre, son expertise et ses recommandations s’avèrent indispensables lorsqu’une succession complexe est en jeu: enfant(s) né(s) hors mariage, famille recomposée avec des enfants issus d’unions différentes, absence d’héritier direct, patrimoine important, présence de plusieurs biens immobiliers, d’une entreprise ou de dettes, bénéficiaires ou biens situés à l’étranger, testament enregistré à l’étranger, conflits au sein de la famille, etc.

Pour terminer, rappelons qu’il est conseillé de faire comme Maud et Pascal en planifiant sa succession et en prenant ses dispositions le plus tôt possible. Il ne faut pas non plus hésiter à en parler avec ses proches, afin de faire connaître en amont ses intentions et éviter les incompréhensions.

Cet article n’a pas vocation à détailler l’ensemble des aspects liés au règlement d’une succession. Certains d’entre eux nécessitant des démarches spécifiques: succession complexe, transfrontalière, etc.

* Le partage d’ascendants présuppose qu’on donne à tous ses enfants des biens de même valeur qui ne seront pas réévalués au décès.